Je ne pensais pas aller un jour dans un camping pour rencontrer Sherlock Holmes. Pourtant c’est arrivé. Ce Sanglier, alors.
Sanglier, grand formateur de L’Explorateur Club, détestait que l’on ait des préjugés. Il avait toujours le souci de nous instruire.
Toujours pour nous éduquer, nous permettre de progresser. Toujours avec des exemples pour nous aider à réfléchir, à comprendre, à ne pas nous laisser berner.
Je crois qu’il nous aimait.
On raffolait de ses leçons si libres dans une des grandes salles du Pico Pico.
Nous étions si écervelés.
Longtemps, j’ai été séduit par le dernier qui a parlé.
Ça me poursuit encore.
Sanglier utilisait des histoires très connues mais il avait une façon de les entortiller qui nous emportait.
Nous étions dans son filet. Il ne faisait de nous qu’une bouchée.
Il nous enroulait, nous embobinait, nous balayait avec ses phrases.
Même quand on avait déjà entendu l’histoire, il arrivait à nous tenir dans sa main.
Une fois il nous a raconté comment Sherlock Holmes et le docteur Watson se sont retrouvés en vacances en Ecosse, dans un camping, au bord du Loch Ness, là où vit un monstre aquatique, surnommé Nessie.
Je sais que vous connaissez Sherlock Holmes le détective, pas forcément le Sherlock campeur dans un camping écossais explorant les ruines du château d’Urquhart et l’île Cherry Island, l’île du Loch.
Nous étions comme des enfants devant le feu de bois. Sanglier aurait pu fumer la pipe.
C’est vraiment typique de la façon dont Sanglier nous parlait au Pico Pico, ce grand bar qui dispose d’une centaine de salles sur huit niveaux en sous-sol. C’est vraiment caractéristique de la façon dont Sanglier nous formait, de la manière dont il nous hypnotisait.
Déjà, le camping écossais au bord du Loch Ness il faudrait un peu expliquer. Mais, bref. Il faut imaginer la situation.
En tout cas, il faut déjà s’imaginer le camping la nuit, vous pouvez fermer les yeux, et Sherlock Holmes le grand détective, l’homme qui sait connecter tous les détails, le boss de la déduction, Sanglier parlait ainsi :
Ainsi en pleine nuit Sherlock Holmes réveille Watson :
– Watson, réveillez-vous, réveillez-vous, je vous en prie…
– Qu’est-ce qu’il y a Sherlock, vous tremblez… vous êtes en manque?
(Comme vous le savez, Sherlock se shoote à la morphine, la morphine qui tient son nom de Morphée le Dieu du sommeil et des rêves. Il se shoote autant d’opium que de déduction. Il est dépendant de la pensée autant que de la morphine.)
(Nous, quand la coke envahit les dance floor, nous, en reconversion formation d’audit, nous étions à l’écoute.)
– Non, non, Watson, ce n’est pas ça… il y a une question qui me turlupine… dites-moi si vous voyez la même chose que moi et qu’est-ce que vous en pensez?
Watson regarde le ciel attentivement et dit : Le ciel est plein d’étoiles, je n’en ai jamais vues autant par ici… C’est bizarre… Pas un drone non plus… Je peux en déduire que ce pays est en paix… il n’y a pas un souffle d’air, il n’y pas de nuage, il doit être quatre heures du matin, il ne fait pas froid, je suppose que demain il fera beau…
Sherlock : Tststststtsts. Non… Non… Non…
Watson : Bon. Je recommence. Je me concentre. J’inspire. (Sanglier inspire, nous inspirons aussi) Je regarde avec attention le ciel. Je vois la grande ourse, la casserole, la petite ourse, l’étoile polaire, peut-être Orion et le grand chien, je vois la girafe, le dragon, je vois les chiens de chasse et la couronne boréale, je vois la chevelure de Bérénice, je vois les étoiles fixes… Je pourrais en déduire que nous sommes face à l’immensité étoilée… que l’homme est très petit, minuscule dans l’histoire de l’humanité, perdu parmi sept milliards d’êtres humains, je pourrais avoir la sensation de l’infini et méditer sur la condition humaine…
Sherlock : Tststststtsts. Non… Non… Non…
(Nous, on veut savoir, Watson n’en peut plus.)
Watson : Pfffft… Ah oui… Le zodiaque… Comment n’y avais-je pas pensé ? Le soleil vient d’entrer dans le cancer, c’est le début de l’été…
Sherlock : Tststststtsts. Non, non, non…
Watson : Vous m’agacez maintenant… Vous me prenez pour Jackie ?
Sherlock : Regardez bien, Watson… On nous a piqué notre tente.
La formation de Sanglier c’était ça… Observer et encore observer.
Comme historien sauvage c’est aussi important. Surtout dans une grande ville.
Dans une grande ville tout semble en désordre. Or, chaque détail est à sa place.
Comme vous le savez, Sherlock se shootait en réalité à la cocaïne — c’est avéré et attesté — laquelle n’a rien à voir avec Morphée puisqu’elle empêche littéralement de dormir donc de rêver. Les personnages de fiction ont eux aussi droit à leur vérité historique, par devoir de mémoire 😉