Notre société de l’abandon

Nathan Moller aime profondément l’ombre et les gens qui se se tiennent dans l’ombre et il se demande pourquoi tout le monde s’intéresse à Œdipe et si peu de gens à Jocaste, sa mère suicidée.
Jocaste, la mère d’Œdipe, s’est suicidée en s’enfonçant un glaive dans le ventre d’où Oedipe était sorti. Ou bien, selon d’autres versions, elle s’est pendue. Les deux versions restent improbables.
Est-ce parce qu’elle n’a pas supporté d’être la mère d’Œdipe dont elle avait eu quatre enfants ou que cela puisse se savoir ? Les deux ?
Joseph demande à Nathan Moller pourquoi il s’intéresse à Jocaste.
Je suis touché par le suicide des mères, dit-il. Cela n’a rien à voir mais depuis que j’ai appris celui de Sylvia Plath (que je lisais avec admiration) c’est toujours une chose qui me touche profondément.
Les plus malheureuses ne se tuent pas toutes, vous savez.
Oui, je sais.
Parfois elles s’en vont seulement loin, elles s’enfuient, elles disparaissent.

Elles s’éloignent. Elles montent dans un bus et on ne les revoit plus. Parfois c’est un bus mental. Elles sont là devant vous et ne sont plus là parce qu’elles sont dans le bus.
Elles abandonnent leurs enfants plus souvent que l’on ne croit.
Cela reste moins courant que les hommes.
Pour l’instant.
Vous pensez que de plus en plus de parents vont abandonner leurs enfants ?
C’est possible.
Qu’est-ce qui vous fait dire ça, que nous filons vers une société de l’abandon ?

Tout le monde est sorti dans la rue pour le défilé de la mort, la reconstitution d’un défilé de la mort au Mexique. C’était très vivant.
Ces morts-là faisaient partie de notre expérience.
Les fantômes et le flash back revenaient fort dans nos histoires chaque jour. Nous pensions que c’était fini mais non. Cela revenait.
Le flash back nous hante.
Il nous obsède.
J’imagine Maria Callas et Pasolini qui s’enfuient et sont encore vivants cachés quelque part.

Les fantômes chevauchent partout jusque dans nos nuits et s’invitent dans nos conversations et nos histoires.
Ils nous accompagnent, nous offrent des sucreries, beaucoup de têtes de mort en sucre mais aussi des statuettes et de petites barques.
Parmi les spectateurs, certains pleurent et on leur tend des mouchoirs en papier d’un rose bonbon.
Il y a des larmes solidaires.
Elles brillent sur les feuilles des arbres à certains moments de la journée ces larmes mais seulement quelques secondes. Cela dépend de la lumière.
Est-ce que nous filons vers une société totalement liquide? Une société de l’abandon dans l’ombre ?

Partager ce texte...
Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.