A la fois indifférent, neutre, gris, froid, glacé, banquise même parfois, et en même temps créatif gondolé, débordant d’idées, inventif prolifère, cet homme pratique dans des clubs spécialisés l’échangisme sans plus, comme s’il n’y croyait pas, comme s’il était là par hasard, incongru, venu pour faire plaisir, se forçant un peu, toujours un peu absent, détaché, même en pleines relations charnelles, donnant l’impression de pratiquer une espèce de gymnastique kamasutroll, avec ses yeux de poisson froid, son regard dans le vide, parce qu’il sait, peut-être de façon instinctive d’ailleurs, créer le vide en lui même quand il est là, paraître absent tout le temps, flottant presque dédaigneux, ce qui ne l’empêche pas de connaître un grand succès dans plusieurs disciplines artistiques.
Il paraît d’ailleurs que plus il est dépeuplé, dégarni, vidé, rassasié, disponible l’air de rien, évacué de lui-même, machinal, robotisé presque, plus il a de succès, de réussite et dans tous les domaines qu’il aborde jusqu’aux plus éloignés. Il a la baraka. Une manière de malédiction inversée. Plus il s’éloigne et se refroidit, plus on veut chaleureusement le couvrir de lauriers, lui enfoncer des couronnes sur la tête, le faire ressembler à un œuf d’Odilon Redon.
Au-delà du genre, il change de fille ou de garçon sans trop chercher ni désirer. C’est sa force et sa faiblesse. Sa seule fidélité, pour le sexe, au moment du sexe, c’est qu’il aime écouter si possible toujours la même chanson. Tant pis si les écouteurs sur ses oreilles ont toujours gêné, voire agacé ses partenaires pendant les galipettes et cabrioles charnelles.
– On dirait que tu n’es pas là ?
– Pardon ?
– On dirait que tu n’es pas là ?
– Ah oui. Ma mère adorait cette chanson.
Contrairement à la majorité des enfants de mai 1968 il ne dit jamais que c’est un fardeau d’avoir eu des parents trop libérés qui se promenaient tout nus partout, croyant bien agir de ne rien refouler ni retenir.
Souvent les enfants veulent faire ce que leurs parents n’ont pas réalisé.
Parfois ils ont peur comme Ténèbres de Dario Argento.
(Dario Argento Ténèbres 10 février 2018)
Tous les sujets l’intéressent à sa façon.
Même l’astronomie.
– Tu te rends compte que le soleil est vieux de quatre milliards d’années ? Ce n’est pas rien, quatre milliards d’années. Et il est toujours là, à chauffer sans se plaindre. Et nous l’air de rien, imperméables au mystère, désabusés, on tourne sur notre Terre en ellipse et sur nous-même devant lui, lui toujours chauffant comme personne et obligeant des millions de gens à porter des lunettes noires.
– Il paraît qu’il en est à la moitié de sa durée de vie et qu’un jour il va s’éteindre.
– C’est comme s’il traversait la crise de la quarantaine.
Le soleil est un étranger qui n’a peut-être jamais eu de mère.
Il a bien des secrets.
Il vit dans un silence.
Il nous en met plein la vue.
Il brille beaucoup mais n’y croit peut-être pas. C’est un drame que notre artiste aime bien.
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En lien avec l’histoire sauvage, une pièce radiophonique à écouter en podcast, diffusée le samedi 1er septembre 2018 de 21h à 22h
« La réserve noire » de Jean-Pierre Ostende
Une réalisation de Jean-Matthieu Zahnd. Conseillère littéraire : Caroline Ouazana. Assistant à la réalisation : Félix Levacher
Avec :
Mohamed Rouabhi (Régis Legrand) Pierre-Jean Pagès (François, le père)
Agnès Sourdillon (Sylvie, la mère) Baptiste Dezerces (Sébastien, le fils)
Lyn Thibault (Tatiana, la fille) François Siener (André, le grand-père)
Bernadette Le Saché (Rosemarie, la grand-mère) Miglen Mirtchev (Thomas, le résident) Lara Bruhl (Suzie, la résidente)
Bruitages : Benoît Faivre et Patrick Martinache
Equipe technique : Eric Boisset, Mathieu Le Roux
Ou encore en 2017 : Souffrir à ST Tropez.
Première partie
deuxième partie