La lumière dans les villes devrait réduire la peur. Elle devrait. Elle devrait rendre superflus le gros 4×4 ou la voiture passe-partout pour se camoufler dans la jungle, la lumière devrait pouvoir protéger tout le monde.
Toutefois, la peur a un avantage : elle vous garantit de l’ennui.
L’homme soi-disant Jésus Christ Junior emprunte le Bourgeois gentilhomme, un bus idéal pour réfléchir, le long de la baie aux affaires classées. Il a en tête une nouvelle exigence : Ne rien faire que je n’ai pas réellement envie de faire et m’y tenir absolument. Ne rien faire sans désir.
Pourquoi les résolutions ne tiennent jamais ?
Même l’homme soi-disant Jésus Christ Junior s’embarque dans des actions, des projets dont il devrait avoir réellement envie mais qui se trouvent souvent, au fond, des affaires qu’il n’a pas réellement envie de terminer et le voilà souvent, suivi de sa petite bande en survêtement, traînant ainsi derrière lui des boulets et la petite table de camping pour les tours de magie. Souvent, il s’enlise dans des entreprises, des activités, des projets, des plans dont il n’a pas tellement envie. Comme je le comprends quand il raconte cela au Pico Pico.
– Avons-nous trop de projets ?
Ce serait un effet pervers de l’efficacité des plans : cela vous enterre au lieu de vous délivrer.
Est-ce que je suis devenu mon leurre traînant dans le Pico Pico à la recherche de nouvelles informations pour l’histoire sauvage ?
Un temps Jean-Claude, l’homme soi-disant Jésus Christ Junior, aime dormir dans son petit bateau amarré dans le port parce qu’il a le sentiment qu’à cet endroit rien ne peut lui arriver.
Adolescent, il aurait bien aimé être boxeur mais il n’en avait que le peignoir. Heureusement il savait un peu chanter. Il aurait pu être dealer.
Maintenant il a quarante ans et il se dit que c’est tard.
Vingt auparavant, dans le port de Lisbonne, il a connu un bar à lumières de couleur tenu par un Allemand de Hambourg où de nombreux marins venus de tous les pays écrivaient ou dessinaient quelque chose sur les murs, souvent il s’agissait de messages à l’attention d’autres marins. Depuis quelques temps il essaye de se souvenir des messages qu’ils écrivaient sur les murs.
Il adore le vent autant que la nuit et les nuits de vent à bord de son bateau, amarré dans le port, le tranquillisent.
Cela l’emmène assez loin en lui-même pour devenir une profonde expérience.
Ce n’est pas fuir la réalité ? Ressasser la même obsession ? Ce n’est pas un repli ? Il affirme que non.
Les fantômes sont nombreux au Pico Pico. D’ailleurs on ressuscite tous les jours d’anciennes vedettes, c’est une authentique usine de recyclage. Tous ces grands corps qui se traînent, ces carcasses abimées, ces êtres échoués au Pico Pico, ces spectres, ces obsessions, ces conversations, pendant que le groupe des scénaristes officiels, du service d’urbanisme de la municipalité, travaille nuit et jour pour pondre des synopsis étoffés à rebondissements et envisager de nouveaux aménagements et de nouvelles cartes postales que l’on enverra dans le monde entier.
La nostalgie du futur arrangé, c’est attachant.
La fille du studio est persuadée que le début de la fin commence avec des terrains de golf. Tous ces trous sont un langage, une immense carte perforée.
Les guides de maisons étranges ont de plus en plus de clients dans les jeux vidéos.
L’ethnologue de la maffia locale a commencé une étude des structures de la parenté en milieu maffieux, intitulé l’importance du Tonton. Il s’est pris de passion pour l’artiste américain, Mark Lombardi, un artiste d’investigation qui réalisait de grands dessins où il mettait en relation les milieux financiers, industriels, le terrorisme, les flux d’argent, jusqu’en 2000, date de son (probable) suicide.
Téléviseur allumé nuit et jour, une partie de la population sort de moins en moins de chez elle pour des raisons financières psychologiques climatiques et elle aimerait venir au Pico Pico.
Le plus terrible et le plus rassurant, dit la fille du studio, c’est qu’ils savent que rien ne dure.
(Sylvie Fleury, Yes to all)
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