Dark Vador chez Alexandre Petitout

La vie de Marc Victor déguisé en Dark Vador, envoyé avec les autres héros de l’explorateur club pour des anniversaires, des mariages, des fêtes en tous genres, ressemble parfois à celle des artistes du music hall. On oscille entre la gloire et la misère, la lumière et l’ombre.
Les artistes se croisent beaucoup mais se voient peu.
Les héros de l’explorateur club sont aussi envoyés à des soirées égomaniaques dont le slogan est Déguisez-vous en vous-même. Il s’agit d’accentuer ses propres qualités. Il y a des stages et des formations pour cela. On évoque souvent la formation pour développer son charisme relationnel, celle pour faire rêver, le stage pour renforcer l’influence, celui pour peaufiner sa légende, les formations pour devenir exceptionnel.
Récemment Marc Victor a été invité en Dark Vador chez Petitout, grand artiste, multipliant les répétitions et les déclinaisons. Petitout est un ogre profond, viscéral, malheureux et workolique (addiction au travail) de haute volée, incurable : stakhanoviste acharné (il désire être accablé), névrosé de la production en chaîne, obsessionnel de niveau alerte rouge selon les experts.
Il est aussi très doué et l’on remarque moins la maladie des gens doués.
Longtemps obscur, maintenant il jouit d’humilier tout ce qui passe à portée de sa main, dans sa main, ses invités comme les membres de sa famille, ses amis de réseau, ses petits protégés, un journaliste, un artiste, peu importe, pas de chouchou, tout le monde peut être élu ou piétiné. On ne sait de quelle enfance cela vient mais plus que d’humilier encore ce grand protecteur adore être détesté. La haine dans le regard des autres le fait jouir. Les autres, il les méprise. D’abord parce que les autres ne travaillent pas, les autres, ils ne savent pas ce que c’est que le travail.
Le plaisir l’ennuie, la jouissance le tient.
Il a horreur de la compassion et de la gentillesse. La haine l’excite. Il adore donner pour mieux reprendre. Il est si malheureux qu’en public, en soirée, dès que quelqu’un est gentil avec lui, il en profite pour être ignoble.
Il peut ne plus servir à boire ses invités par exemple, cacher les bouteilles. Par pur caprice.
– Vous avez trop bu. Et vous buvez n’importe comment.
« Je veux que tu m’aimes aussi quand je suis ignoble. »
Des masochistes (espèce qui n’est pas en voie d’extinction, loin de là) continuent de venir le flatter, mais souvent des pervers en herbe se profilent, lui offrent des cadeaux, lui portent des fleurs (en imaginant bien à l’avance quel va être son dégoût), peut-être même pour se venger. Cela l’atteint toutefois assez peu. Il est maintenant assez malin pour se réjouir de voir les fleurs dépérir, se décomposer lentement devant lui. Rien que l’idée de savoir que les fleurs vont doucement mourir le remplit d’une sensation aigre-douce qui ressemble à du bonheur. La décomposition lente des fleurs lui plaît autant que le pourrissement des relations humaines.
Toutes les bonnes âmes aux bons sentiments vont s’en choquer. Il adore ça.
Alexandre Petitout s’endort alors comme un sournois dans sa manière de château, ses petits poings fermés, un minuscule filet de bave aux coins des lèvres, persuadé qu’un dieu est encore plus un dieu s’il est odieux et imprévisible.

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