Centre de remise en forme de la pensée

Bien que la distinction soit préférable, ce n’est pas mortel de confondre la salle de gymnastique mentale (cardio algébrique, vélo de la répartie, muscu de l’imagination, aérobiconcept, éloquence training, danse dogmatique, karatérhétorique, argumentsbuilding, punch cognitif…) et le centre de remise en forme de la pensée (des conseils pour une pensée de rêve, une semaine pour tout changer, raffermir son esprit, détox des idées confuses, détox des clichés, les bonnes résolutions pour une pensée en forme, des résolutions pour une pensée solide en seulement quinze minutes par jour, neuf idées qui vont vous faire aimer la pensée, apprendre à réfléchir devant la télé et en repassant, un plan pour raisonner sans se priver, se sculpter une intelligence surprenante pour affronter l’hiver…).
D’un autre côté la pensée est ravageuse.
L’extrait que vous m’avez envoyé, au sujet de Jean-Jacques Rousseau, m’a étonné : « A une époque où la bourgeoisie revendiquait son émancipation à grand renfort de philosophie et de littérature, personne n’a décelé aussi bien que Rousseau l’aspect pathologique de la pensée, lui qui pour sa part ne désirait rien tant que de pouvoir arrêter le mouvement des rouages dans sa tête. » ( W.G Sebald, Séjours à la campagne, traduit par Patrick Charbonneau, éditions Actes Sud, p59)
Mais est-ce que, sérieusement, je dois m’inscrire au centre de remise en forme de la pensée, comme le suggère Sanglier du groupe L’Explorateur Club ?
Avec leur publicité pour vanter la pensée dansante, empruntée à La Vierge Folle (1912) de Rik Wouters.

Pensée dansante

Pensée dansante

Sur ce coup, faut-il faire confiance à Sanglier ?
Sanglier qui, entre autres, est à l’origine de l’établissement destiné à des écrivains, musiciens et artistes, baptisé Je-vis-à-fond-l’instant-passé, résolution empruntée à l’autofictif d’Eric Chevillard.
N’ai-je pas un peu négligé la quête des sens ? N’ai-je pas trop de cellulite sur le concept ?
Comme ça doit être agréable d’avoir une pensée en forme.
Pour soi-même comme pour les amis.
Mais est-ce que ce n’est pas trop tard ?
Il paraît que tout se joue avant quarante ans.
Comme c’est difficile de faire le bon choix.
Le jogging mental, l’assouplissement cérébro-spinal, l’oxygénation psychique, le booster cognitif, il y a tant d’exercices qui sont proposés et mis à la disposition des membres. Tout ça juste à côté du Pico Pico.
Pourquoi attendre ?
Pourquoi remettre à plus tard ?
C’est tout de même mieux que les jeux de plage de l’évolution des espèces ou la jetée Spleen ou l’abus de Karaoké bleu.
Je retrouverais là-bas de petits exercices pratiques et simples. Je ferais du rameur de métaphores.
Comme chiffonner des papiers, les jeter par terre et chercher des formes.

Il y a tellement de choses à faire pour remettre en question ses idées.
Ô comme le monde est vaste.

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