Je veux un amour en présentiel

Elle m’a dit : Vous voulez que je siffle au clair de la lune pour prouver que je ne suis pas un robot ?
Elle se rappelle notre premier contact et sa première remarque : Vous savez pourtant qu’il est question d’aller chercher une plume chez la voisine en pleine nuit (Pierrot répondit : « Je n’ai pas de plume, Je suis dans mon lit. Va chez la voisine, Je crois qu’elle y est). Vous savez les sous-entendus que cela autorise quand il va chercher la plume chez la voisine En cherchant d’la sorte, Je n’sais c’qu’on trouva ; Mais je sais qu’la porte sur eux se ferma ?
Elle sortait d’une triste histoire avec un Don Juan numérique. Elle voyait des TCS partout… des troubles de conduites sentimentales…

Elle écrit à sa sœur qu’elle me propose de prendre un verre en présentiel.
Dans la vie réelle ? Grandeur nature ? C’est vrai ?
Oui c’est vrai, IRL, in real life, dans la vraie vie, mais c’est bien, non ? Comme tu es low tech.
Le mois suivant elle commence de courir dans le parc le plus proche de son domicile. Une fois par semaine, parfois deux.
Quand elle met ses jambes au service de l’imaginaire, elle rumine des phrases qu’elle envoie par textos, des interrogations le plus souvent. Elle est toujours engagée dans des mondes extérieurs.
Les poules ont-elles cessé de voler à cause de la domestication qui les a privées de cette liberté d’évasion ?
En présentiel, je reste toujours surpris qu’au lit, elle pousse de petits cris de joueuses de tennis. Elle prétend que la télévision tue l’imaginaire.
Elle envoie des textos :
La tristesse du vent l’été n’est plus à prouver… / Le diable se cache dans les chiffres. / Heureusement j’ai un endroit pour déplier mes mondes intérieurs.
Elle n’est pas à court de questions : Pourquoi les crieurs de journaux ont cessé de crier ? Que s’est-il passé ? La radio ?
J’ai l’impression de traverser le temps.

(Hideaki Kawashima, Tremper)
Souvent, pendant qu’elle fait courir ses jambes, lui revient le poème de ses vingt ans : « Depuis des années dans l’ombre je note pour mieux comprendre ce que je vis sans attraper une postite, la névrose de prise de notes. Avant l’arrivée du sommeil je m’imagine dans une forêt et j’espère un chemin pour sortir et m’éloigner de cette addiction. »
Parfois elle essaye d’imaginer la personne à l’origine de proverbes comme : Si la chance est avec toi, pourquoi courir ? Et si la chance n’est pas avec toi, pourquoi courir ?
Nous essayons de faire le plus de choses possibles en présentiel, à l’ancienne.
Même si la distance a ses avantages et que le distanciel est entré dans nos vies en 2021, peut-être pour toujours.
C’est si loin 2021.
Je me demande quand même si elle est complètement humaine parce que ses paroles ne sont pas toujours raccord avec les mouvements de ses lèvres.

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