Léthé ou Mnémosyne

Après des journées à regarder la pluie, Sanglier a dit doucement : « Tu prends une gorgée de la bouteille de droite, c’est du Léthé, c’est important au moment où tu sens que les souvenirs t’encombrent, c’est idéal pour les ranger. Nous en avons tous besoin à un moment ou un autre.
Si ça ne va pas mieux en oubliant, tu prends une gorgée de la bouteille de gauche, la Mnémosyne, ça rafraîchit, ça met à jour, c’est bon pour la mémoire. »
La pluie continue et Sanglier ajoute : « Dans trente ans, oui, trente ans, nous serons deux milliards d’êtres humains de plus sur la Terre, oui de plus, deux milliards de plus en trente ans. Et Madame Prouf veut porter un enfant pour son fils. La population est de 7,7 milliards de personnes et elle devrait atteindre les 10 milliards en 2050. On hésite entre Léthé et Mnémosyne. »
Sanglier tourne le dos à la pluie et fixe au mur une image des écailleuses d’huître.

Pour Sanglier le garçon aux longues mains est un puits d’ignorance. Quand tu ne veux pas savoir quelque chose tu vas chez lui et le tour est joué. Il a un effet proche du Léthé. Déjà sa façon de nous parler, de se lancer dans des discours moralisateurs et une logorrhée aux yeux bleu pâle de chien polaire comme : « Largement illustrée dans la pensée l’analyse par Sanglier dans les années 1970, est reprise par Le Guen au cours des années 1980 et plus récemment en 1998, ainsi que nos contributions, comportant une tentative de mise au point théorique, et cela justifie notre décision de revenir dès le prochain festival sur la surpopulation. » Arrêtez ce paltoquet !

Revenons au sujet.
Comment à l’âge de cinquante ans s’est-elle mis en tête de porter un enfant de son fils en se faisant inséminer son sperme ?
Pour lui rendre service ? Parce qu’elle avait lu dans la presse que malgré son âge, et après de nombreux examens médicaux au centre de l’Université du Nebraska, une certain Cécile E. avait obtenu l’accord des médecins alors qu’elle avait soixante et un ans, dix ans de plus qu’elle, oui, elle avait obtenu l’accord des médecins pour porter l’enfant de son fils et lui faire plaisir. Le fœtus a ensuite été créé par fécondation in vitro avec le sperme de son fils, Matthew E., et les ovules de la sœur de son beau-fils, Elliot D. Elle n’invente pas, non.
Comme disait Karl Kraus : Où est-ce que je prends le temps de ne pas lire tant de choses ?

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