Le rêve du tramway fantôme qui traverse une ville enneigée est récurrent et il pénètre le sommeil à l’improviste et sans aucune violence.
C’est une boucle, une répétition qui semble sans fin, une douceur, une berceuse qui vous prend dans ses bras et vous roule doucement au point que vous ne voudriez plus vous réveiller.
Ce tramway fantôme ressemble à s’y méprendre au tramway nommé Mamadou. Il s’enfonce doucement à travers une ville enneigée en boucle. Sur les toits des cheminées fument, tout est en noir et blanc. Le tramway semble ne jamais s’arrêter nulle part. Les voyageurs ne s’en plaignent pas. Ils dodelinent.
Dans ce tramway on est à peine ballotté dans les courbes. Sa délicatesse aussi forte que son énergie nous rassure. Aucun passager ne parle assez fort pour que l’on comprenne ce qu’il veut signifier. Pourtant on est tous dans cette même grande machine longue et déterminée. Curieusement, on voit toujours, à un moment ou à un autre, le visage des passagers de face et aucun n’est agressif. On les reconnaît. Tous les passagers sont aussi présents dans le blog Histoire sauvage. Pourquoi ce blog-là et pas un autre ?
Difficile à expliquer.
Faut-il expliquer ce que l’on aime ?
Toutes les scènes me rappellent quelque chose que j’ai vu dans l’histoire sauvage.
Des scènes de film sont projetées sur la moindre paroi disponible.
Le projectionniste est très étrange. Il est rapide et doux.
Depuis quand projette-t-on des films dans les tramways (même s’ils sont nommés Mamadou) ?
La projection n’est pas une mauvaise idée.
Nous pouvons tous regarder les images défiler en même temps que les rues et boulevards. Surtout dans ce tramway fantôme dans la ville enneigée.
Un des films s’intitulait : Sniper pour dames.
Il a été tourné, m’a-t-il semblé, en partie dans le centre commercial fantôme (marché noir, brocante permanente, marché aux puces) où la tension entre les camions snacks est visible (surtout entre les pizzas et les nems ; le slogan des jambon-beurre Charcuterie vaincra ! n’a rien arrangé).
Il y a une scène avec un de ces nouveaux gangs travestis. Le gang des robes de mariée : la peur alliée à la fantaisie. C’est la prise d’assaut d’un quartier ou peut-être l’affrontement avec le gang de Saint Paul allié au gang de Sainte Rita.
Tous les spectateurs regardent un dessin animé dans les ténèbres, inspiré d’images du XXème siècle.
Mais le plus fort, le plus pénétrant, reste la progression permanente de ce tram fantôme dans la ville enneigée, les cheminées qui fument, le grincement des roues, la sensation de s’enfoncer dans son propre néant dans un lent mouvement perpétuel et sans que l’on offre la moindre résistance à cette douceur, ce léger glissement dans un velouté des plus reposants.