Kamikaze horror humanum est

Tous les jours au Pico Pico, le bar aux multiples salles, des tentatives d’explication de la terreur kamikaze sont discutées et certains d’entre nous ont de plus en plus de mal à les entendre.
Nous, les occidentaux, centre du monde et du progrès, sommes-nous si imbus de nous-mêmes au point qu’il nous soit inimaginable de ne pas être la cause de tout ?
Pourquoi serait-il si insupportable de ne pas être coupable ? Ou de ne pas avoir assez correctement agi dans la répression comme dans le soin ?
Après la blessure de Copernic (non, mon petit, les astres ne tournent pas autour de la Terre), la blessure de Darwin (Tu as peut-être du singe en toi) et celle de Freud (Tu n’es pas le seul maître à bord, tu as un inconscient, assis dans un fauteuil entre tes yeux) voilà maintenant la blessure des explosés que l’on ne peut pas punir et qui nous volent notre punition extrême.
Sommes-nous si certains de combattre le mal et la souffrance, sur tous les fronts, au point de ne pouvoir même pas supposer que des êtres humains puissent se tuer avec bonheur (des philosophes diront Joie) et croire, ces mêmes êtres humains suicidés, qu’après leur mort, en massacrant nos innocents, ils iront dans l’au-delà ?
Notre souci de protéger la vie, de prolonger les existences, de faire la justice et de défendre le droit, de produire des prix Nobel et les chefs d’œuvres de l’humanité, d’être les arbitres et les garants de la valeur humaine, nous empêche de nous voir.
Oui, nous sommes extrêmement sensibles mais aussi vite indifférents, nous sommes touchés aussi facilement que nous oublions (pas un jour sans horreur), nous sommes sauveurs dans l’urgence mais suicidaires à long terme (la planète fondue par morceaux chaque jour). Nous ne pouvons vivre que dans la culpabilité ou la punition (deux formes de narcissisme). Nous sommes face à l’Etranger absolu.
Et comme nous supportons mal de ne pas pouvoir punir, il nous reste la culpabilité (mais c’est encore une punition).
Nous avons des milliers de raisons pour vivre et aucune pour mourir.
Voilà, je m’enlise aussi là-dedans.
– Mais au fait tu veux dire quoi ?
Il semble impossible à l’occident de penser qu’il y a peut-être autre chose qu’une guerre, autre chose que nous ne pouvons expliquer.
Là-dessus quelqu’un a cité Bergson : « L’intelligence est caractérisée par une incompréhension naturelle de la vie. » (L’évolution créative)
J’ai cru être sauvé un moment.
Tous les jours, qu’il fasse soleil ou nuit, nous essayons de comprendre ce monde qui était à nous.

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