L’argent rend pauvre

Tous les jours, au Pico Pico, dans certaines salles sont organisées, comme vous le savez sûrement, des discussions publiques très fréquentées et commentées. Composée d’une masse de clients friands et gourmands d’altercations, serrés les uns contre les autres, accrochés, certains salivant, une foule nombreuse vient suivre les polémiques proposées par une multitude d’associations expertes en débats contradictoires. Certains clients se tiennent même debout tout autour de la salle. Selon les éclairages ces ombres sont impressionnantes.
La plupart des visiteurs adorent discuter longtemps et parfois sans fin et une grande majorité de débats se prolongent bien après les interventions.
Il y a des pervers.
Dès qu’il y a une mise en scène, il y a .
Récemment, le débat « L’argent rend pauvre », si espéré, si bien soutenu aussi (l’argent devenant le sang des vies humaines), a été l’occasion d’accrochages qui font le succès des échanges, plus tard repris sur la toile, étirés, développés, commentés, en particulier sur les sites à clashs où ils sont aussi interprétés, discutés en détails, sur des forums infestés de trolls et d’experts redoutables et vicieux, si bien que les modérateurs ont dû sévir à de nombreuses reprises et que la plupart ont été débordés par le flux insensé de boue et d’injures qui transforment parfois l’écran en Maxima Cloaca
L’argent rend pauvre est une vieille expression mais elle n’a pas vieilli.
Ce soir-là, les clients du Pico Pico ont entendu que l’expression l’argent rend pauvre pouvait être attribué à Emile Zola, Yona Friedman, Marc-Aurèle, Marcel L’Herbier, Gandhi, Rousseau, Tacite, Mme Tout le monde, Balzac, Georg Simmel, Elias Canetti, Marx, Flash Gordon, Josette Eternelle, Marshall McLuhan et le nuage de noms a été si puissant, si doux, si attirant que tous les clients de la salle se sont perdus dans un brouillard magnifiquement mystérieux où flottaient des syllabes, des lettres, des mots provenant de plusieurs siècles terriens et laissant les spectateurs les plus sensibles, les plus émotifs, les plus délicats, bouche bée.

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