La ville est un organisme vivant et je suis dans cet organisme vivant.
Un auteur de dessins animés dans les ténèbres a compris l’attirance de certaines personnes pour les lieux dénués d’intérêt.
Il en a fait un dessin animé étrange, rempli de rues vides, qui m’a rappelé une vidéo dans un musée, à Copenhague, intitulée, me semble-t-il, When I woke up, they were all gone (ou quelque chose comme ça, je ne l’ai jamais retrouvée), Quand je me suis réveillé ils étaient tous partis. Tout le film se déroulait dans une ville vide : gare vide, supermarché vide, bureaux, rues, appartements vides.
Quand je me suis réveillé ils étaient tous partis. J’y pense souvent.
Les lieux dénués d’intérêt sont recherchés par une clientèle particulière. L’office du tourisme a décidé d’appeler ces lieux : des nonsites.
Ces nonsites n’ont rien à voir avec les non-sites de l’artiste américain Robert Smithson (prélèvements de rochers exposés en galerie dans des bacs géométriques avec des photographies).
Avec l’aide de la chambre de commerce et du très actif Bureau des nouvelles compétences & métiers émergents, une formation de guides de nonsites a été entreprise.
La demande de visites de nonsites a considérablement augmenté en quelques années.
Cette clientèle est très différente de celle qui pratique le tourisme des ruines, des catastrophes et de la désolation, ce que Mlle Piedtenu nomme la catastrophilie.
L’amateur de lieux sans intérêt semble plus sophistiqué.
Il aime le rien. Le néant. La pauvreté.
Il aime le livre de Lolito, Eloge du Bide parfait, au titre ambigü.
L’ennui revient-il à la mode ?
Est-ce lié, comme vous le sous-entendez, à la multiplication d’appels à mécènes, lancés par la Mairie, pour soutenir la création de points d’écoute psychologique que l’on a de plus en plus de mal à financer avec des fonds publics ?
Vaste débat.