Devenir un homme à l’école de commerce.

Lors d’une rencontre au Pico Pico dans la salle Réfléchir, associer, trouver, un élève de l’école de commerce m’explique la sérendipité.
Quand vous avez dix huit ans et que, dans votre école de commerce, on vous persuade que les bonnes idées pour résoudre un problème, (les bonnes idées au sens de celles qui vont vous rendre plus inventif, vous permettre de sortir du lot, comme on vous le souhaite depuis le début, depuis l’école primaire, comme on vous y encourage de sortir du lot, de vous distinguer, de faire la différence) ces bonnes idées se trouvent souvent à côté du problème, vous répondez alors de façon disciplinée et attentive : Pourquoi pas ? Pourquoi pas moi ? Pourquoi pas chercher les solutions à côté du problème ?
Pourquoi pas, comme dit votre professeur de l’école de commerce, qui vous forme et que vous écoutez, pourquoi pas un peu de sérendipité dans la créativité et le management ?
Même si vous ne comprenez pas trop, sur le moment, ce que cela veut dire sérendipité ou serendipity (découverte inattendue).
A force, on vous le répète et ça finit par entrer dans votre tête : Souvent la solution n’est pas dans le problème mais à côté du problème, là où vous ne l’attendez pas. Il faut regarder ailleurs, à côté, ne pas se braquer.
Longtemps on vous a prévenu qu’il ne fallait pas être hors sujet. Là, au contraire. La solution est la plupart du temps hors du sujet. Vous devez vous exercer à penser ainsi, à côté du sujet. C’est très créatif, vous verrez.
Mais vous ne comprenez toujours pas ce que cela veut dire.
Alors, on vous explique.
Vous avez besoin d’exemples ?
(Comme vous vous sentez un peu bête ce matin.)
Alors, on vous donne des exemples.
Les exemples, c’est plus vivant, non ?
Les êtres humains apprennent mieux avec des exemples, des paraboles, des images (et par exemple l’homme soi-disant Jésus-Christ Junior le sait parfaitement que l’on apprend mieux avec des images fortes).
Bref, pour la sérendipité, on vous explique par exemple l’histoire des deux amis qui se promènent en Afrique, disons Georges Berger et Gilbert Durand. Ce sont des cadres. Des cadres comme vous le serez un jour (Vous avez dix-huit ans…). Peut-être même supérieur, oui, peut-être même un cadre supérieur et pas seulement moyen.
Donc, Georges et Gilbert, ces cadres, se promènent en Afrique (ils payent cher pour marcher à pied pendant leurs vacances ce qui ne laisse d’étonner certains Africains qui n’ont pas encore compris l’importance de la marche à pied pour la santé puisqu’eux-mêmes marchent beaucoup et dépassent rarement les cinquante ans). Bref Georges et Gilbert marchent à pied, pour deux cent vingt cinq euros par jour, ils peuvent aussi marcher seuls en totale aventure. Pour se reposer de leur marche, ils se sont arrêtés à l’ombre d’un grand arbre. Ils transpirent.
Gilbert et Georges ont retiré leurs chaussures et ils ont parlé du monde, comme ils le font d’habitude, comme de vieux amis.
Soudain, c’est là que commence l’histoire. A moins de cent mètres, ils aperçoivent un lion.
Le premier, disons Gilbert Durand, est pétrifié, comme on doit souvent se pétrifier face à un lion ou un tigre ou un aileron de requin pas loin de vous.
Pendant ce temps, l’autre, Georges Berger, prend ses chaussures qu’il a posées à côté de lui et commence d’en enfiler une.
Gilbert Durand murmure à son ami : Je te signale, Georges, qu’un lion peut courir à soixante et dix kilomètres heure et que l’homme n’atteint jamais cette vitesse.
Mais Georges Berger continue d’attacher ses chaussures en silence.
La nature est maintenant silencieuse.
Tout entière à observer le lion et les deux hommes.
Il se passe quelques secondes avant que Gilbert Durand un peu plus tendu ajoute : Je te dis que ça ne sert à rien de courir. Un lion court à soixante et dix kilomètres heure. Au minimum.
Maintenant, Georges Berger a terminé d’attacher ses chaussures. Il se lève et il dit à son ami : Qui te dit que je veux courir plus vite que le lion ?

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