Attachement aux objets

Bien qu’il finisse le plus souvent par s’attacher à ses objets (au point de les garder plus longtemps que ces choses ne le méritent, par pure affection dégradée en sentimentalisme), il aime peu son répondeur téléphonique qu’il trouve trop froid, surtout quand celui-ci répète d’une voix désagréable et impersonnelle : « Vous n’avez aucun nouveau message ».
Et pourquoi, pense-t-il, ne pas ajouter : « Allez vous faire voir ailleurs ! Vous êtes à l’abandon, personne ne pense à vous appeler. On a rien à battre de ce que vous devenez. »
A vrai dire depuis quelques années il arrive que les objets lui fassent peur.
Vous avez vu comment les machines ont progressé depuis la hache de pierre ?
Et vous, en comparaison, vous avez vu votre évolution ?
En échange d’un peu plus de cervelle, vous avez juste perdu votre mâchoire qui cassait des os de dinosaure et, quand vous n’êtes pas obèse, vous avez des cuisses de pigeonneau.

La multiplication des ambiances ne le rassure pas.
Au Pico Pico pullulent les ambiances cinématographiques.
C’est la nouvelle drogue.
Les fantômes ne se cachent plus (la mode est partout au décomplexé).
Nuit et jour on peut les entendre et les revoir jusque sur les tranches de jambon.

Parfois les fantômes qui dansent sur les tranches de jambon ressemblent à un tableau vivant.
Les tableaux se parlent surtout pendant la nuit. Quand il n’y a plus personne.
Le jour ils se regardent et réfléchissent à ce qu’ils se diront la nuit.

J’imagine que quelqu’un arrivera peut-être à traduire leur langage.
Gardons notre calme si inquiétant, ont-ils l’air de penser. Et n’oublions pas la lettre de Robert Walser à William Schäfer (Rédaction, Die Rheinlande) : « Je suis d’avis que le poète doit de temps en temps plonger sa tête complètement dans l’obscurité, dans le mystère. »

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