Dans Notre-Ville, pendant la semaine très frisquette mais peu friquée du début de l’année qui suit les affrontements sanglants des soldes, des experts du monde moderne mais tout autant du genre égyptien, pour la plupart vêtus de noir, sont venus témoigner au Pico Pico pour savoir :
Un : Dans quelle mesure Le Douanier Rousseau avait raison de dire à Picasso en 1908 :
« Nous sommes les deux plus grands peintres de notre temps, toi, dans le genre égyptien, moi, dans le genre moderne. »
Deux : Pourquoi Picasso n’avait-il pas répondu ?
Alors que Picasso aurait pu lancer au Douanier Rousseau comme il savait le faire : « Quand je n’ai pas de bleu je mets du rouge. » ou « Dans chaque être humain vit une colonie entière. »
Ou mieux encore « Comme rien ne peut être fait sans solitude et que dans chaque être humain vit une colonie entière, je mets du rouge quand je n’ai pas de bleu. »
La phrase du Douanier Rousseau (« Nous sommes les deux plus grands peintres de notre temps, toi, dans le genre égyptien, moi, dans le genre moderne. ») faisait pouffer les gens sérieux de Notre-Ville, tant leur esprit de jugement était robuste et ancré, et ce pouffement (on ne dit plus pouffage) des gens sérieux (cette hilarité de tout-temps et tout terrain depuis le début de l’hilarité sur Terre) avait peut-être poussé Francis Picabia à écrire comme on l’écrirait la nuit sur un mur de Préfecture à la sauvette et se réjouissant à l’idée des yeux du préfet le lendemain : « Les gens sérieux ont une petite odeur de charogne. »
Durant ces discussions autour du genre égyptien et du genre moderne, on pouvait photographier (photographier remplace voir ou ignorer) dans les rues, les plus larges, de grandes farandoles que les services de sécurité publique devaient protéger et canaliser.
Toute préfecture craint les farandoles autant que les carnavals sauvages où pullulent, entre autres, des punks à chiens et des gothiques à chat autour des figures en carton des élus municipaux.
Notre-Ville n’y échappe pas.
Tout le monde sait que les moutons ne se mangent pas entre eux – mais la disparition de l’un ne coupe pas l’appétit des autres devant un bon plan d’herbe. C’est toujours ce genre de phrase que notre maire sort pour terminer ses discours. Il veut dire : De toutes façons vous n’êtes qu’une bande de chacals.
On a envie de se cacher comme Daniel Arsham.
Tout le monde ne peut pas avoir le vice de choisir le mauvais livre, la mauvaise exposition ou le mauvais film pour en tirer non seulement une joie peu recommandable, ce qui la rend plus savoureuse, appétissante, mais aussi bien des idées que l’on peut trouver curieuses.
Certains écrivains comme Stephen King assurent qu’un mauvais livre peut éviter des mois de cours d’écriture créative.
Notre-Ville ne cesse de débattre de bien des sujets même sous la pluie ou par grand froid venu de Sibérie, c’est sa croix, sa voûte en berceau et sa grande tasse de café chaud. Avec nous soyez émus.
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En lien avec l’histoire sauvage, une pièce radiophonique à écouter en podcast, diffusée le samedi 1er septembre 2018 de 21h à 22h
« La réserve noire » de Jean-Pierre Ostende
Une réalisation de Jean-Matthieu Zahnd. Conseillère littéraire : Caroline Ouazana. Assistant à la réalisation : Félix Levacher
Avec :
Mohamed Rouabhi (Régis Legrand) Pierre-Jean Pagès (François, le père)
Agnès Sourdillon (Sylvie, la mère) Baptiste Dezerces (Sébastien, le fils)
Lyn Thibault (Tatiana, la fille) François Siener (André, le grand-père)
Bernadette Le Saché (Rosemarie, la grand-mère) Miglen Mirtchev (Thomas, le résident) Lara Bruhl (Suzie, la résidente)
Bruitages : Benoît Faivre et Patrick Martinache
Equipe technique : Eric Boisset, Mathieu Le Roux