Il n’y avait nulle logique dans ces longs et tortueux parcours dans la ville, entre la baie des affaires classées, la falaise aux parapluies retournées et le Pico Pico, pas de sens non plus.
Tout semblait permis.
Bien que la fonction la plus répandue au monde soit celle de client, il se trouve encore des expériences surprenantes, et pas seulement en réalité virtuelle, et cela ne cessera probablement jamais.
Fourni par l’Explorateur Club, le guide m’a promis de découvrir la dimension surnaturelle de la ville. Avec ses passages, ses failles, ses endroits où circulent des poètes fantômes, où l’on entend des tubes comme « il pleure dans mon cœur, comme il pleut sur la ville » avec ce crachotement caractéristique d’une époque passée, ce crachotement qui vous rappelle tout de suite les poèmes appris par cœur à l’école dans un siècle où cela se pratiquait encore et les vieilles images.
Le guide nous a fait découvrir en même temps l’application : VIVEZ EN TEMPS RÉEL !
Comme cela nous a plu.
Cela nous a distraits.
Aujourd’hui la mairie ne peut pas empêcher certaines cliniques d’organiser des loteries pour les soins des plus démunis. Nous en sommes là. Oui. Jamais nous n’aurions cru. Des loteries. De longues files de pauvres malades viennent chaque jour dans les magasins où se vendent les billets de jeu et jouent à la loterie en espérant gagner une consultation.
D’après les experts et les commentateurs, beaucoup de gens s’étaient enfermés dans leur bruit comme d’autres s’étaient enfermés dans la télévision, l’alcool, la nourriture et rien ne semblait pouvoir les en sortir parce qu’ils avaient trouvé et construit leur niche, cette niche qui les détruisait et les protégeait en même temps, à la façon de ces cocons où l’on s’abrite en douceur et risque de ne plus jamais sortir.
La fille du studio a souligné dans plusieurs articles les effets néfastes et pervers de la niche et regretté de constater que les êtres humains, petits et grands, avaient de plus en plus besoin de niches et d’abri, besoin de shelter. Elle avait créé le concept de niche toute seule en haut de la Tour Solitude durant une nuit d’insomnie. Concept de niche souvent confondu avec le concept de quiche (être dans la quiche) qui est bien différent et moins nocif.
Le mot niche (dans le sens d’une pratique protectrice et destructrice) était entré dans le vocabulaire de nombreux services de la ville. Tout d’abord dans l’équipe des Services Sociaux qui s’occupaient de milliers de cas sociaux, en argot : les K-SO.
Les gens enfermés dans le bruit laissaient en permanence une source sonore allumée : musique pure et émission de toutes sortes (plus aucune émission radiophonique de quoi que ce soit n’était sans musique, même les discours politiques étaient interrompus d’un petit refrain au moins toutes les cinq ou six minutes, même les émissions musicales étaient entrecoupées de tubes). Dans la plupart des maisons il n’y avait jamais de silence. Les habitants de Notre Ville ne pouvaient plus supporter le silence. Quand ils sortaient de chez eux, les plus organisés portaient un casque, plus exactement des écouteurs. Les plus âgés étaient pratiquement sourds et les magasins spécialisés en appareils auditifs s’étaient multipliés un peu partout dans la ville, à votre écoute. La jeunesse ne voulait rien entendre des avertissements répétés par les services médicaux des écoles et les conseils de surveillance de la jeunesse, à travers différentes campagnes, pour éviter le son du matin au soir.
On surnommait ces gens les NOISE (en anglais, bruit), noiseux et noiseuse était le mot conseillé par le comité de surveillance de la langue et les experts en expression française.
Pendant ce temps les chorales s’entraînaient pour chanter la chanson des Beatles, Eleanor Rigby, la fille si pauvre et si seule qu’elle ramasse le riz jeté pendant les mariages, à la fois pour se nourrir et parce qu’elle croit qu’il peut porter chance.
Eleanor Rigby picks up the rice in the church where a wedding has been
Eleanor Rigby ramasse le riz dans une église où un mariage s’est déroulé
Lives in a dream Vit dans un rêve
Waits at the window, wearing the face that she keeps in a jar by the door Attend à la fenêtre, arborant le visage quelle conserve dans un bocal, près de la porte
Who is it for? Pour qui est-ce?
(Chorus)
(Refrain)
All the lonely people
Tous les gens seuls
Where do they all come from ?
D’où viennent-ils tous?
All the lonely people
Tous les gens seuls
Where do they all belong ?
Où est donc leur place?
Father McKenzie writing the words of a sermon that no one will hear
Père McKenzie écrivant les mots d’un sermon que personne n’écoutera
No one comes near.
Personne ne vient ici.
Look at him working. Darning his socks in the night when there’s nobody there
Regarde-le travailler. Raccommodant ses chaussettes dans la nuit quand il n’y a personne ici
What does he care?
Qu’en a-t’il à faire?
Ah, look at all the lonely people
Ah, regarde tous ces gens seuls
Eleanor Rigby died in the church and was buried along with her name
Eleanor Rigby est morte dans l’église et fut enterrée avec seulement son nom.
Nobody came
Personne n’est venu
Father McKenzie wiping the dirt from his hands as he walks from the grave
Père McKenzie essuyant la saleté de ses mains alors qu’il revenait de la tombe
No one was saved
Personne n’a été épargné
(Chorus)
(Refrain)
All the lonely people
Tous les gens seuls
Where do they all come from?
D’où viennent-ils tous?
All the lonely people
Tous les gens seuls
Where do they all belong?
Quelle est donc leur place?
https://www.youtube.com/watch?v=WPEr_FYh7ZA
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