Il est de loin le meilleur ami de Miss Tendre-est-la-nuit. On l’appelle d’ailleurs M. Tendre-est-la-nuit tellement ils sont proches et complices (bien qu’ils détestent tous les deux la blague horrible de « mon vieux complice » qui les fait rougir de honte rien qu’en y pensant).
Un temps, avant de connaître Miss Tendre-est-la-nuit, M. Tendre-est-la-nuit a été atteint de pronoïa. Les plus proches pensaient : Quel snob ! (que les moins snobs prononçaient znob.)
Mais non, M. Tendre-est-la-nuit n’est pas du tout snob. La pronoïa est seulement le contraire de la paranoïa. Mais c’est moins fréquent. Cela ressemble au complexe de la baraka.
A cette époque qu’il préfère souvent éviter d’évoquer par timidité et inquiétude de voir revenir des fantômes (toujours prêts à revenir en scène la nuit), M. Tendre-est-la-nuit est persuadé qu’il y a un complot qui s’occupe de sa réussite, de son bonheur et que, partout, des anges gardiens s’agitent et se bougent pour veiller sur lui à tout moment. Rien ne lui arrive qui ne soit, à plus ou moins long terme, une expérience avantageuse, un atout, un privilège. Il est surveillé de près pour son bien. Les dieux sont penchés sur lui. D’autres, moins savants, moins scientifiques, appellent ça plutôt le complexe de la baraka. Les plus férus de magazine de psychologie disent : un hypernarcissisme.
Ce n’est d’ailleurs pas si rare, la pronoïa.
Nietzsche l’évoque dans Le Gai Savoir : « Maintenant, en effet, la pensée d’une Providence personnelle se présente à nous de la plus envahissante façon et elle a pour elle le meilleur porte-parole, l’apparence, dès lors qu’il nous est tangible que toutes choses, absolument toutes choses qui nous adviennent, tournent constamment à notre avantage. » ?
Cette façon de voir le monde, cette pronoïa, a mis plus d’une fois M. Tendre-est-la-nuit en danger et, d’une façon perverse et vicieuse, cela n’a fait que renforcer sa conviction : Si je m’en suis sorti c’est grâce à mes anges, ma dream team, et rien qu’à mes anges (ils existent en version « bonnes étoiles »).
D’ailleurs l’église catholique est infestée de ces anges qui interviennent à tout moment pour éviter une catastrophe, un désastre, un drame. Mais pour quelle reconnaissance ?
On dit que les anges entre eux s’en plaignent autant que les services antiterroristes : « Quand tout va bien, personne ne s’aperçoit de notre travail. »
(marianne stokes la reine et le page in image from facebook)
Mais pour en revenir à M. Tendre-est-la-nuit, il est quand même assez rare de se sentir victime d’une conspiration en notre faveur, de penser que le monde conspire pour notre réussite.
Durant cette période, M. Tendre-est-la-nuit n’a peur de rien, affronte n’importe quel dragon au débotté, ratatine les hydres, dégomme les gorgones et rince les ménades, étonne tout le monde par ses prises de risque. On le trouve intrépide et téméraire. On l’admire. La bravoure est toujours aphrodisiaque à un point inimaginable (et Miss Tendre-est-la-nuit ne sera pas la dernière à répéter que c’est un de ses péchés mignons). La bravoure est presque aussi aphrodisiaque que l’argent. A ce sujet Notre-Ville prépare une année consacrée à L’amour de l’argent.
Et puis un jour M. Tendre-est-la-nuit se réveille et rencontre Miss Tendre-est-la-nuit.
C’est elle qui lui a fait connaître un plaisir si intense et forcément irrégulier. C’est dans cette irrégularité, ces creux, ces baisses, qu’il a cessé de penser qu’il était sans cesse sous protection, dans le petit pli creux et douillet où il aime à se lover quand le soleil est couché, près de Miss Tendre-est-la-nuit.
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En lien avec l’histoire sauvage, une pièce radiophonique : La réserve noire. Produite et réalisée par France Culture, diffusée le 1er septembre 2018. A écouter sur ce lien :
https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-samedi-noir/la-reserve-noire-de-jean-pierre-ostende
« La réserve noire » de Jean-Pierre Ostende
Une réalisation de Jean-Matthieu Zahnd
Conseillère littéraire : Caroline Ouazana
Assistant à la réalisation : Félix Levacher
Avec :
Mohamed Rouabhi Régis Legrand
Pierre-Jean Pagès François, le père
Agnès Sourdillon Sylvie, la mère
Baptiste Dezerces Sébastien, le fils
Lyn Thibault Tatiana, la fille
François Siener André, le grand-père
Bernadette Le Saché Rosemarie, la grand-mère
Miglen Mirtchev Thomas, le résident
Lara Bruhl, Suzie, la résidente
Bruitages : Benoît Faivre et Patrick Martinache
Equipe technique : Eric Boisset, Mathieu Le Roux
En podcast aussi : Souffrir à ST Tropez. 2017.
L’émission en deux parties
première partie :
Réalisation Jean-Matthieu Zahnd
A 70 ans Jeanne Bregman a sauvé un pré-adolescent de la noyade. En guise de récompense, les parents de l’enfant (M. et Mme Merchant-Cazale) offrent à Jeanne Bregman quelques semaines à Saint-Tropez dans leur villa.
A la Pampanita, commence alors un séjour tout à fait particulier où une jeune Américaine qui occupe la villa voisine, proposera à Jeanne Bregman de jouer dans un film très spécial…
Ce sera pour elle l’occasion de découvrir une vie qu’elle n’avait jusque-là jamais imaginée, tout un monde. Cinéma, drogue et zombies.
Avec
Nita Klein ( Jeanne Bregman)
India Hair ( Sidney Mercury)
Antoine Sastre ( Vincent Gallatino)
Yvon Martin ( un Syndicaliste acteur de télé-réalité)
Lara Bruhl ( Jennifer Cook)
Rémi Goutalier ( Patrick Merchant-Cazale)
Léo Reynaud ( un Zombie syndicaliste)
Bastien Bouillon ( Lolito)
et
Sophie Bezard , Elodie Vincent, Loic Hourcastagnou, Emilie Chertier, Hermann Marchand, Louis-Marie Audubert, Lionel Mur, Matyas Simon, Mathilde Caupenne, Aurélien Osinski, Stéphane Szestak , Cécile Arnaud, Laurent Gauthier