La compréhension peut rendre fou

Tout fier, confiant et sûr de son savoir en classe, il avait expliqué aux élèves de troisième que le mot camarade venait de l’espagnol camara (la chambrée) et qu’ainsi les camarades partageaient leur chambre (camara, camarade).
Et tout le monde avait suivi.
De fil en aiguille, si l’on peut dire, persuadé que l’étymologie devrait passionner la classe, à la façon d’une enquête presque policière, il en était venu à copain et compagnon qui tous les deux viennent de cum panem (avec le pain), transformé en « companio » pour désigner celui avec lequel on partage le pain.
Et tout le monde avait suivi.
Tout allait si bien.
Le savoir quand même, ça donne du goût, de la saveur. D’ailleurs saveur et savoir ont la même étymologie : sapere.
Tout allait bien.
Jusqu’au moment où une fille aux yeux plissés, l’air de rien, avait demandé : Et elles partagent quoi les copines ?
Et c’est ainsi qu’il était resté sans voix, sans réponse. Quelques jours plus tard, il avait commencé de se méfier de son esprit d’escalier (la répartie lui était venue dans l’escalier) et il avait décidé de prendre des cours du soir pour lutter contre l’esprit d’escalier, des cours de répartie, de réaction immédiate, un atelier d’à-propos avec Mlle Piedtenu, la lionne de l’échange verbal, la tigresse du tac au tac.
– Vous voyez, Monsieur, le contraire de l’esprit d’escalier, c’est la réponse de Marie Curie au journaliste qui lui avait demandé ce que ça faisait d’être mariée à un génie :
– Je ne sais pas. Demandez à mon mari.

Plus tard, rendant des dissertations, le professeur avait demandé à un élève :
– Vous croyez vraiment que le droit des travailleurs a été fait pour mieux les exploiter ? Et que c’est très favorable au commerce et aux affaires, le droit ?
– Oui. Absolument, monsieur. Vous pensez que le droit est fait pour autre chose que les affaires ?
C’est ainsi qu’il avait commencé de se méfier un peu plus profondément et pris des cours du soir de cynisme avec M. Tendre-est-la-nuit (un ancien mannequin qui n’en pense pas moins).
Durant ses cours il avait rencontré M. Gourmet qui était si snob qu’il serait allé sur la lune pour admirer un clair-de-terre mais qui trouvait si vulgaire d’avoir une opinion et, en même temps, si admirables les chahuteurs qui gênent toute réunion. Ils n’avaient pu s’entendre. D’autant plus que M. Gourmet pensait aussi que le commerce avait créé l’écriture.
– Le commerce créant l’écriture ? Le pervers.
Rien à répondre, esprit d’escalier.
Personnellement il m’est arrivé d’avoir l’esprit d’escalier. Une fois j’ai trouvé ce que je pouvais répondre près d’un an plus tard, un très long escalier. J’étais en Allemagne et une fille avait dit :
– Sur l’autoroute, quand on s’arrête aux toilettes, je vais toujours dans les toilettes hommes, parce qu’il y a moins de queue.
Il m’a fallu un an pour répondre :
– Et moi, si c’était possible, j’irais dans les toilettes des femmes, parce qu’il y a moins de cons.

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En lien avec l’histoire sauvage, une pièce radiophonique : Souffrir à ST Tropez.

L’émission en deux parties
première partie :

deuxième partie :

Réalisation Jean-Matthieu Zahnd
Conseillère littéraire Caroline Ouazana

A 70 ans Jeanne Bregman a sauvé un pré-adolescent de la noyade. En guise de récompense, les parents de l’enfant (M. et Mme Merchant-Cazale) offrent à Jeanne Bregman quelques semaines à Saint-Tropez dans leur villa.
A la Pampanita, commence alors un séjour tout à fait particulier où une jeune Américaine qui occupe la villa voisine, proposera à Jeanne Bregman de jouer dans un film très spécial…
Ce sera pour elle l’occasion de découvrir une vie qu’elle n’avait jusque-là jamais imaginée, tout un monde. Cinéma, drogue et zombies.

Avec
Nita Klein ( Jeanne Bregman)
India Hair ( Sidney Mercury)
Antoine Sastre ( Vincent Gallatino)
Yvon Martin ( un Syndicaliste acteur de télé-réalité)
Lara Bruhl ( Jennifer Cook)
Rémi Goutalier ( Patrick Merchant-Cazale)
Léo Reynaud ( un Zombie syndicaliste)
Bastien Bouillon ( Lolito)
et
Sophie Bezard , Elodie Vincent, Loic Hourcastagnou, Emilie Chertier, Hermann Marchand, Louis-Marie Audubert, Lionel Mur, Matyas Simon, Mathilde Caupenne, Aurélien Osinski, Stéphane Szestak , Cécile Arnaud, Laurent Gauthier

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