L’exploration de l’immeuble de René Frantic continue sans cesse et, à chaque fois, il y a de nouvelles découvertes.
Il m’a présenté Edmond Tournecourt (51 ans) revenu habiter chez ses parents, Bernadette et Roland Tournecourt (76 et 78 ans) comme un de ces enfants boomerangs (boomerang kids), de plus en plus nombreux dans notre ville ; c’est ainsi que l’on appelle les enfants de retour chez leurs parents, dans la majorité des cas pour des raisons économiques (chômage, divorce, maladie). Dans Notre Ville on estime les boomerangs à quatre vingt mille.
Depuis son retour chez ses parents, Edmond Tournecourt a d’ailleurs rencontré une fille (Josette Rossi) dans l’immeuble (au troisième étage) qui est dans la même situation que lui (revenue chez ses deux parents octogénaires). Ils se croisaient dans la cage d’escalier mais ignoraient qu’ils étaient deux boomerangs. Les boomerangs n’abordent pas le boomeranguisme facilement. Il y a toujours un peu de gêne. Ils ont découvert ça en chœur lors d’une réunion d’information spéciale consacrée aux boomerangs et dont l’association Tout peut vous arriver dans la vie a une organisation assez proche des AA (alcooliques anonymes).
Certains boomerangs sont aussi aux AA.
Leur fierté est que seuls les boomerangs qui ont été bien lancés reviennent à leur envoyeur.
Edmond et Josette ont trinqué le soir de leur première rencontre et, depuis quelques semaines, ils ont pour projet d’ouvrir un camion-snack spécialisé dans la merguez.
Ils sont pourtant lucides : Selon les recensements il est rare que deux boomerangs puissent vivre ensemble.
– Mais pourquoi pas nous ?
Ils ont décidé de s’accrocher et de faire baisser les statistiques.
Leur première sortie est au bal costumé de l’association Tout peut vous arriver dans la vie. Ils sont déjà d’accord sur une chose : ils ont plus de plaisir dans le récit que dans l’action.
Et à chaque rentrée, malgré qu’ils se sentent un peu lourds, ils rêvent d’une forme, d’une vitalité et d’une aisance comparables à celle des danseurs. Tout pourrait être si facile, disent-ils devant le Booty swing de Parov Stelar. Tout pourrait être si facile. Et pourquoi sommes-nous si lourds ? Pourquoi ?
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