La nuit où nous sommes allés sur la falaise aux parapluies retournés, il a plu et nous sommes entrés dans le premier bar ouvert, à l’Ici Mieux qu’en face, situé en face du cimetière pour animaux. Ce cimetière pour animaux est très fréquenté, le jour, par de vieilles dames qui hantent les allées pour se recueillir devant les tombes et lire (comme s’il s’agissait d’un texte sacré) de mini biographies animales gravées souvent en lettres dorées. Cela n’étonne plus personne.
Il y a même maintenant un cimetière des doudous.
A l’Ici Mieux qu’en face nous avons rencontré le dragueur en chemises à fleurs qui nous a, entre autres, raconté sur un ton d’amuseur public, habitué à faire rire la galerie, s’esclaffant de ses propres plaisanteries, qu’il avait eu un fils dans l’espoir que ce dernier le remplace un jour dans son rôle d’éternel séducteur.
D’après Jacques Marchal, c’est terrible d’avoir un enfant dans le seul but d’en faire un remplaçant. C’est pourtant exactement ce qu’a fait Fedora dans le film de Billy Wilder : Fedora la star a entièrement créé le corps de sa fille à son modèle pour ne jamais disparaître.
Inutile d’en dire plus sur ce film sous peine de, comme le disent les Canadiens, le divulgâcher.
Jacques Marchal a expliqué que plusieurs scénaristes de la ville étaient littéralement tombés amoureux de scénarios du futur avec lesquels ils avaient vécu durant des années, les modifiant, les peaufinant, sans jamais les voir aboutir et, au fil des années, cela avait provoqué, chez eux, de petits craquèlements, de curieuses fissures mentales, des lézardes que l’on appelle des états de mélancolie du futur.
Quand nous sommes sortis de l’Ici Mieux qu’en face, le boulevard était si noir, si désert, si trempé de pluie que lorsque j’ai vu au loin la silhouette d’un homme très grand qui marchait doucement et avec hésitation, comme s’il cherchait quelque chose dans cet endroit si mal éclairé, je n’ai pas pu m’empêcher de me demander s’il ne s’agissait pas d’un sosie de l’écrivain Patrick Modiano ou un de ses admirateurs qui, à force d’admiration, finissent souvent par se confondre avec l’objet de leur admiration.
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Lecture de l’histoire sauvage à Khiasma le jeudi 24 septembre 2015 à 20H30.
Les renseignements : http://www.khiasma.net/rdv/histoire-sauvage/