Jacques Marchal prépare un long article intitulé Rêves machines avec la collaboration de Louise Berluchon, une geekette de l’intelligence artificielle qui lui avait dit apprendre aussi le geek ancien, celui qui remonte au milieu du XXème siècle, à l’époque des cartes perforées et un peu plus tard aussi, quand il fallait deux jours pour télécharger quelque chose.
Il nous avoue s’obséder avec les machines.
Cela jette un froid.
Depuis quelques mois, il regarde sans cesse des films sur des prototypes de robots. Les animaux robots en particulier.
Vous riez encore quand je rappelle les injonctions du style : « Téléchargez de nouveaux amis », « Faites la mise à jour de vos enfants » mais pour combien de temps encore ?
Un malaise.
Il reconnaît lui-même qu’il s’obsède avec les prototypes de robot. Il s’obsède surtout avec la reproduction des machines, de toutes les machines. Comment y arrivent-elles ? Elles utilisent l’homme pour les faire se reproduire. Elles pollinisent à leur façon. Elles prennent l’homme comme un organe reproducteur. L’homme est l’abeille des machines, c’est lui qui va chercher tout ce qu’il faut pour elle, les accoucher, les soigner, leur permettre de se reproduire et il ne se doute de rien, il croit que c’est lui qui a l’initiative et l’idée : voilà la pensée de Samuel Butler dans Erewhon. Jacques Marchal lit et relit Erewhon de Samuel Butler.
Les machines l’envahissent de façon inexorable et douce, presque transparente. Il prend l’habitude, à certaines heures, de laisser cette sensation l’envahir, s’immiscer lentement en lui, doucement, à la façon d’un brouillard et contre le brouillard il n’y a rien à faire. Les machines semblent de plus en plus vivantes, de plus en plus proches de nous, de plus en plus présentes, partout, en permanence, dans les rues et les maisons, dans votre corps, le ciel et l’air, jusque dans votre poche. Des machines chaque jour un peu plus évoluées : plus endurantes, plus précises, plus rapides pour calculer mais aussi plus rapides pour se déplacer, sur terre, dans le ciel, dans l’eau, plus fortes, plus résistantes.
Regardez comme elles ont progressé en vingt siècles par rapport à l’homme. Et vous savez que ce n’est pas fini.
Des machines qui travaillent sans grève, sans revendication, sans colère, sans aucun sens de la justice ou de l’injustice, fiables, d’humeur égale et d’un coût de consommation plus faible qu’un homme.
Et aussi : sans aucune plainte.
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