Cyniques ricanant la nuit

Bagarres vicieuses entre d’un côté les cyniques aux dents de hyène ricanante au désir moisi, et de l’autre les anti-cyniques moins croupis dans l’ombre mais ennemis de la logique d’Alphonse Allais : “Il faut prendre l’argent là où il se trouve, c’est-à-dire chez les pauvres. Bon d’accord, ils n’ont pas beaucoup d’argent, mais il y a beaucoup de pauvres.”

Pendant que les affrontements, paires de claques et secousses se multiplient jusque dans les tranchées, les impasses, les ruelles et les nids d’amoureux (parce que les amoureux s’aimeront toujours malgré tout et que l’amour est une forme de nid), sur les côtés apparaissent ce que l’on appelle des asides.
« Aside » est un mot du théâtre shakespearien. Il décrit ce qu’un acteur dit au public, en s’adressant directement à lui, sans que cela influe sur l’action se déroulant sur scène. En l’occurrence, pour nous dans Notre-Ville, la scène c’est la rue et l’action est conduite, pour donner un exemple, par les travailleurs de chantier ou les piétons engagés qui filment les échauffourées au lieu de téléphoner.
En général, les acteurs chargés d’asides disposent d’un micro, comme s’il s’agissait de journalistes, et ils commentent la scène (ce qui ne les empêche pas de prendre de temps en temps un coup).
Il existe une application aside (mot contesté par les spécialistes shakespeariens) qui vous alerte le soir de ce que vous avez vu dans la journée, vous explique ce qui s’est passé à coup de petites notations, vous rappelle vos rendez-vous, les gens que vous avez croisés avec un discret bim (façon salut de la main), le nombre de vos pas depuis le matin, ce que vous pourriez améliorer pour perdre votre surpoids, trouver des amis, vous orienter dans la ville… Vous avez de la compagnie dans la poche.

« Depuis de récentes découvertes d’ossements on sait que les cyniques remontent à la préhistoire, y a-t-il une raison ? »
Les dinosaures meurent, les bactéries survivent.
Dans cette transe destructrice vivent les Terriens, bientôt neuf milliards à se pousser les uns les autres sur cette boule.
On réactive tout en ce moment.
On réactive même des excursions Dada qui datent de 1921, quand on proposait des visites de lieux qui n’ont pas vraiment de raisons d’exister. C’est à tort qu’on insiste sur le pittoresque, l’intérêt historique et la valeur sentimentale. Cela sous la conduite de Gabrielle Buffet, Louis Aragon, Arp, André Breton, Paul Eluard, Th. Fraenkel, J. Hussas, Benjamin Péret, Francis Picabia, Goerges Ribemont-Dessaignes, Jacques Rigaut, Philippe Soupault, Tristant Tzara… Et bientôt ils seront tous réactivés sous forme d’hologrammes d’une technologie des plus récentes que cela plaise ou non aux cyniques.

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En lien avec l’histoire sauvage, une pièce radiophonique à écouter en podcast, diffusée le samedi 1er septembre 2018 de 21h à 22h
« La réserve noire » de Jean-Pierre Ostende
Une réalisation de Jean-Matthieu Zahnd. Conseillère littéraire : Caroline Ouazana. Assistant à la réalisation : Félix Levacher
Avec :
Mohamed Rouabhi (Régis Legrand) Pierre-Jean Pagès (François, le père)
Agnès Sourdillon (Sylvie, la mère) Baptiste Dezerces (Sébastien, le fils)
Lyn Thibault (Tatiana, la fille) François Siener (André, le grand-père)
Bernadette Le Saché (Rosemarie, la grand-mère) Miglen Mirtchev (Thomas, le résident) Lara Bruhl (Suzie, la résidente)
Bruitages : Benoît Faivre et Patrick Martinache
Equipe technique : Eric Boisset, Mathieu Le Roux

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