Mystère des phrases apocryphes

Les intellectuels et artistes français provoquent de moins en moins d’ovation debout dans le monde. Le public ne se lève plus. Ce n’est pas parce que le public a mal aux jambes.
Le discours a débuté ainsi.
Ça commence comme ça, avec de la larme dans la glotte on dirait, ce jour-là au Pico Pico dans la salle des Fins de partie quand Monsieur Tendre-est-la-nuit nous confie sa tristesse de voir si souvent les Français la morgue au nez. Sa tristesse et sa honte devant tant d’arrogance, cette espèce de col dur mental.

Nous sommes assis.
On raconte tellement de choses canulardeuses.
Notre goût pour le langage et le Littré n’est-il plus tout en haut de l’échelle ?
Ne sommes-nous donc plus des exemples dans le monde ? Sommes-nous envahis de nouvelles déformées ?
Quelqu’un dit avec une voix toute grésillante :
Un jour Littré (du dictionnaire) en pleine relation avec une fille voit débarquer Madame Littré qui lui dit : « Ah, monsieur, je suis surprise ! »
Remontant son pantalon, Littré répond : « Non, madame, vous êtes étonnée. C’est nous qui sommes surpris. »
Il paraît qu’il n’a jamais dit ça, c’est apocryphe. Il s’agit d’une phrase faussement attribuée à Littré qui n’a jamais pu corriger.

La conversation dérive sur le tendre collectionneur de phrases apocryphes.
Il y a des milliers de phrases faussement attribuées.
Par exemple, on connaît de Lewis Caroll une phrase que celui-ci n’a jamais prononcée :
« Mais alors, (dit Alice) si le monde n’a absolument aucun sens, qu’est-ce qui nous empêche d’en inventer un? »
Elle plaît cette phrase. Elle est faussement attribuée mais elle plaît.
Elle est vraiment olé. Merci d’inventer une solution si nous trouvons le monde absurde.
Une autre phrase apocryphe est celle attribuée à Marie-Antoinette : « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche. ». Phrase qui selon Rousseau dans ses Confessions serait celle d’une princesse. « Enfin je me rappelai le pis-aller d’une grande princesse à qui l’on disait que les paysans n’avaient pas de pain, et qui répondit : qu’ils mangent de la brioche. »
En 1906, Auguste Escoffier organise un diner pour l’empereur d’Allemagne Guillaume II qui lui aurait dit : « Moi, je suis l’empereur d’Allemagne, mais vous vous êtes l’empereur des cuisiniers ! » La phrase, largement reprise, serait apocryphe.
Ou celle faussement attribuée à un maire de Marseille après l’effondrement des immeubles dans la rue d’Aubagne en novembre 2018 : « S’ils n’ont plus d’appartements, qu’ils essayent la bastide. »
Puis le débat revient sur Paris.

Là-dessus Monsieur Tendre-est-la-nuit sort de ses archives la copie d’une lettre de 1939, une lettre de Frida Kahlo dans laquelle elle évoque Breton et les surréalistes à son amant, le photographe Nikolas Murray :
 » Tu n’as pas idée du genre de salauds que sont ces gens. Ils me donnent envie de vomir. Je ne peux plus supporter ces maudits « intellectuels » de mes deux. C’est vraiment au-dessus de mes forces. Je préférerais m’asseoir par terre pour vendre des tortillas au marché de Toluca plutôt que de devoir m’associer à ces putains d’« artistes » parisiens. Ils passent des heures à réchauffer leurs précieuses fesses aux tables des « cafés », parlent sans discontinuité de la « culture », de l’ « art », de la « révolution » et ainsi de suite, en se prenant pour les dieux du monde, en rêvant de choses plus absurdes les unes que les autres et en infectant l’atmosphère avec des théories et encore des théories qui ne deviennent jamais réalité.
Le lendemain matin, ils n’ont rien à manger à la maison vu que pas un seul d’entre eux ne travaille. Ils vivent comme des parasites, aux crochets d’un tas de vieilles peaux pleines aux as qui admirent le « génie » de ces « artistes ». De la merde, rien que de la merde, voilà ce qu’ils sont. Je ne vous ai jamais vu, ni Diego ni toi, gaspiller votre temps en commérages idiots et en discussions « intellectuelles » ; voilà pourquoi vous êtes des hommes, des vrais, et pas des « artistes » à la noix. Bordel ! Ça valait le coup de venir, rien que pour voir pourquoi l’Europe est en train de pourrir sur pied et pourquoi ces gens — ces bons à rien sont la cause de tous les Hitler et les Mussolini. Je te parie que je vais haïr cet endroit et ses habitants pendant le restant de mes jours. Il y a quelque chose de tellement faux et irréel chez eux que ça me rend dingue. »
Qu’est-ce qu’on peut ajouter à ça ?
On est rincés.
L’adolescente au langage de son âge ajouterait : Mettons-nous en mode coin-coin voilà, genre oubli profond, on va pas se faire humilier H24.

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