Personne n’a les yeux aussi pétillants que les personnes âgées devant un gâteau.
Pourquoi ?
Parce que leur libido est en baisse.
Voilà la piste.
Bien que nous sachions que le bidoli est une perturbation de la libido, est-il possible de se demander si la gourmandise n’est pas le plus grand ersatz de la libido ?
Un produit de substitution ? Une glace ou un gâteau en manière de subutex ? Un stabilisateur ? Une autre forme de libido ? Un oral sucré ?
La pâtisserie pour manque de sexe comme facteur d’obésité, voilà la deuxième question.
L’obésité réduit la sexualité et hypertrophie le désir de compensation sucrée, voilà un cercle démoniaque.
Avaler, ingérer.
Les débats fatiguent.
L’être humain est si anxieux et maladroit. Moins anxieux, il s’éviterait bien des activités depuis ses débuts.
Mais moins anxieux l’être humain aurait-il survécu ? C’est la grande question.
Certainement pas.
La sexualité, le sport, la nourriture sont des calmants de première nécessité.
Partout notre monde adore les calmants et l’oubli qui va de pair.
Sinon il y aurait moins de sports, surtout moins de restaurants et moins de sexe.
Tout peut devenir tétine. Le téléphone, le petit verre, la cigarette, le réseau social (devenue la pâtisserie électrique source d’infobésité).
La gourmandise, en plus, ça peut se soulager pratiquement n’importe où. Même en public. Et n’importe quand. C’est convivial et silencieux, comme la lecture d’un livre, sans aucune panne, ça ne fatigue pas, pas besoin de se déshabiller et de se rhabiller, on peut faire autre chose en même temps, cliquer par exemple.
Après on se demande ce que faisait exactement Kafka, végétarien tout seul (mais a-t-il été un jour vraiment accompagné ?), sur les îles de Norderney et d’Heligoland en mer du Nord, en 1911, avec son encre de Chine.
A quoi pensait-il?
De quoi rêvait-il ?
D’une femme, d’eau chaude, de thalassothérapie, d’un endroit pour écrire à la façon d’un terrier où il serait protégé, réchauffé, pour toujours et pourrait écrire sans jamais être interrompu ?
L’encre était déjà un terrier.
Rêvait-il de la flamme d’une bougie dans une chambre au-dessus d’un hangar froid et rouillé ? Se sentait-il alors personnage dans un tableau de Hopper, au milieu d’une autrefois banlieue commerciale devenue un souvenir d’achats compulsifs, ou d’un air pauvre en pollen idéal pour les sujets allergiques ?
Regardait-il par la fenêtre un couple de vieillards marcher à pas lents de fin du monde vers une terrasse de café, un paradis accessible où ils pourraient se réchauffer à un pâle soleil, en compagnie des échantillons de toutes les pathologies ?
Avait-il le souvenir de la zone commerciale abandonnée avec ses restaurants de bric et de broc où l’on servait des plats de saumons industriels et de truites calibrées ni-tu-ni-vous sur des chaises de jardin en plastique rachetées à des crêperies en faillite ?
Ce n’était plus seulement de la nostalgie mais une espèce de douceur dégoulinante dont chacun pouvait profiter les yeux fermés, perdu dans une espèce de rêverie anxiolytique.
Tu sais, Tintin aussi se retrouve toujours seul.
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En lien avec l’histoire sauvage, une pièce radiophonique à écouter en podcast, diffusée le samedi 1er septembre 2018 de 21h à 22h
« La réserve noire » de Jean-Pierre Ostende
Une réalisation de Jean-Matthieu Zahnd. Conseillère littéraire : Caroline Ouazana. Assistant à la réalisation : Félix Levacher
Avec :
Mohamed Rouabhi (Régis Legrand) Pierre-Jean Pagès (François, le père)
Agnès Sourdillon (Sylvie, la mère) Baptiste Dezerces (Sébastien, le fils)
Lyn Thibault (Tatiana, la fille) François Siener (André, le grand-père)
Bernadette Le Saché (Rosemarie, la grand-mère) Miglen Mirtchev (Thomas, le résident) Lara Bruhl (Suzie, la résidente)
Bruitages : Benoît Faivre et Patrick Martinache
Equipe technique : Eric Boisset, Mathieu Le Roux