Trafic de faux self

Un jour il avait lu qu’un faux self était nécessaire et conseillé pour rester en bonne santé et survivre en société, y compris en milieu modéré et policé, surtout pendant les funestes périodes en dents de scie, les obscures journées, parce que le faux self vous permet de garder en toutes circonstances « …une attitude sociale polie, de bonnes manières et une certaine réserve. ».
Ce faux self garantira votre vie, voire votre sécurité, en compagnie d’autres êtres humains, même les plus sauvages civilisés qui n’hésiteraient pas à transgresser les tabous, voire vous talocher.

Cela dit, attention à l’enthousiasme (l’enthousiasme peut techniquement se transformer en ravage), il est conseillé de rester circonspect (bien que ce soit plus amer parfois), de ne pas augmenter les doses, de ne pas exagérer en faux self, sinon les effets secondaires peuvent être désastreux, dégoûtants, tout le monde vous soupçonnera de flagornerie, de courbette pommadée, voire de lèche exubérante et vous passerez pour un faux cul de première, une hypocrite endurcie selon le genre, un sournois naturel, une tartuffette génétique, et cela vous risquez de le payer cher, répétait toujours Mlle Carol Piedtenu pour garder ses chouchous de ce « vouloir trop bien faire » qui tue plus souvent qu’il ne sauve.
Dans Notre-Ville beaucoup de gens gardent encore en mémoire la déconfiture de la jeune femme qui voulait trop bien faire depuis l’école communale. Quelle dégringolade.
Et savoir que nous dégringolons tous n’est pas rassurant.
Alors surtout, précisait Mlle Piedtenu, ne dites pas ce que vous pensez franchement, directement, sans prendre des formes, sans arranger le style, pratiquez l’euphémisme à mort, l’atténuation, l’antiphrase au besoin, et ne pensez pas, comme Jules Renard, que la prudence est l’euphémisme de la peur. Tâtez de la litote sans retenue, dites que ce n’est pas gagné quand vous savez que c’est foutu, dites que cette exposition est une expérience quand vous jugez que c’est une catastrophe, cultivez la relativité et la distance, la distance vous aidera, vous protégera, vous grandira. Et le faux self vous sauvera bien des fois, vous donnera le coup de rein de l’anguille ou du saumon en côte, surtout au milieu de gens toxiques et malsains, vous permettra de survivre en milieu profondément vénéneux (et pas seulement dans les affaires).
Le problème est que le faux self, comme toutes les matières premières, est distribué de façon inégale sur notre Terre et Notre Ville n’échappe pas à la règle. Les êtres humains ont un bagage génétique plus ou moins fourni en faux self. Et, chez certains, il peut s’épuiser vite. C’est la raison pour laquelle est arrivé sur le marché une molécule de faux self, le MFS, abrégé en FS, qui vous permet de recharger votre réserve quand vous l’avez épuisée.
Le trafic en FS a été tout de suite intense dans Notre-Ville.

(Raymond Prunin)
Tous les négociateurs, les gens préoccupés de négociation, les coléreux profonds, les Français à l’attitude Jean Yanne malgré nous, les intempestifs, les petits enfants de Louis de Funès et Jean Gabin, ceux qui avaient perdu leur emploi pour manque avéré de faux self, ceux qui avaient perdu leurs amis, leurs relations, tous ont cherché du faux self chimique.
Une bonne molécule et tout bascule.

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En lien avec l’histoire sauvage, une pièce radiophonique : La réserve noire. Produite et réalisée par France Culture, diffusée le 1er septembre 2018.
« La réserve noire » de Jean-Pierre Ostende
Une réalisation de Jean-Matthieu Zahnd
Conseillère littéraire : Caroline Ouazana
Assistant à la réalisation : Félix Levacher
Avec :
Mohamed Rouabhi Régis Legrand
Pierre-Jean Pagès François, le père
Agnès Sourdillon Sylvie, la mère
Baptiste Dezerces Sébastien, le fils
Lyn Thibault Tatiana, la fille
François Siener André, le grand-père
Bernadette Le Saché Rosemarie, la grand-mère
Miglen Mirtchev Thomas, le résident
Lara Bruhl, Suzie, la résidente
Bruitages : Benoît Faivre et Patrick Martinache
Equipe technique : Eric Boisset, Mathieu Le Roux

En podcast aussi : Souffrir à ST Tropez. 2017.
L’émission en deux parties
première partie :

deuxième partie :

Réalisation Jean-Matthieu Zahnd

A 70 ans Jeanne Bregman a sauvé un pré-adolescent de la noyade. En guise de récompense, les parents de l’enfant (M. et Mme Merchant-Cazale) offrent à Jeanne Bregman quelques semaines à Saint-Tropez dans leur villa.
A la Pampanita, commence alors un séjour tout à fait particulier où une jeune Américaine qui occupe la villa voisine, proposera à Jeanne Bregman de jouer dans un film très spécial…
Ce sera pour elle l’occasion de découvrir une vie qu’elle n’avait jusque-là jamais imaginée, tout un monde. Cinéma, drogue et zombies.
Avec
Nita Klein ( Jeanne Bregman)
India Hair ( Sidney Mercury)
Antoine Sastre ( Vincent Gallatino)
Yvon Martin ( un Syndicaliste acteur de télé-réalité)
Lara Bruhl ( Jennifer Cook)
Rémi Goutalier ( Patrick Merchant-Cazale)
Léo Reynaud ( un Zombie syndicaliste)
Bastien Bouillon ( Lolito)
et
Sophie Bezard , Elodie Vincent, Loic Hourcastagnou, Emilie Chertier, Hermann Marchand, Louis-Marie Audubert, Lionel Mur, Matyas Simon, Mathilde Caupenne, Aurélien Osinski, Stéphane Szestak , Cécile Arnaud, Laurent Gauthier

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