Les Mayas n’ont pas voulu de la roue

Furtive, l’activité de notre confrérie lycéenne consistait principalement à porter sa montre avec le cadran sous le poignet, tourné vers l’intérieur. Nous avions seize ans. Le signe devait précéder la philosophie.
Je ne me souviens plus de celui qui avait eu l’idée.
Les idées nous les partagions volontiers.
Elles tombaient de partout. Nous savions le monde réservoir infini.
Nous les tordions et les mixions.
Nous voulions nous distinguer, sans savoir que nous restions moutons.
Les moutons ignorent leur sort. Rien ne les défrise. Ils nous imitent.
Nous avions de l’admiration pour les artistes qui cachaient leur profonde originalité derrière des costumes stricts comme William Burroughs, Yves Klein, Marcel Duchamp ou Henri Michaux.
Nous portions haut ces artistes, parfois si haut que nous les perdions.

Nous pensions que l’originalité commençait quand on s’effaçait.
La gomme et la grisaille nous stimulaient, la drogue aussi. Nous avions peur de la régression.
Nous pensions que les Mayas avaient refusé de faire la roue, volontairement et pas seulement par modestie. Ils l’avaient dédaignée parce qu’ils l’avaient déjà inventée puis interdite. Les Mayas connaissaient la roue, mais ils avaient renoncé à s’en servir parce qu’ils savaient que la roue abîmait les hommes inévitablement.
La pédale est souvent soupçonnée mais c’est la roue qui détraque.
Les types les plus intelligents régressent tout de suite dès qu’ils utilisent la roue : il n’y a qu’à les voir en voiture, en vélo, en trottinette. Ils ne sont plus eux-mêmes. En bande, c’est pire encore, ils dégénèrent.
La roue les dégrade profondément.
Ce qui roule déroute.
La roue débilite les hommes plus encore que les pédales et le travail forcé.

Pourtant, le travail va mal ces temps-ci ; surtout après le confinement et la pandémie.
Partout j’entends dire que les abeilles ne veulent plus travailler autant qu’avant. Les fourmis prennent des congés. On repère de plus en plus de comportements anormaux. Même les mille-pattes lèvent le pied.
Est-ce dû au confinement et à la covid ? Je ne sais mais j’ai du mal avec le féminin de covid, je pense toujours à la movida, ce mouvement culturel espagnol au début des années 80 après la mort de Franco.
Avec l’affaire du pangolin (espèce d’artichaut animal qui ne travaille jamais), de la pandémie et du confinement, le goût du travail en a pris un coup. Un effet secondaire (les Anglais disent side effect, effet de côté). Pourquoi l’effet secondaire serait-il toujours indésirable ? Depuis la covid, la valeur du travail a perdu huit points.
En revanche, effet de côté ou pas, personne n’y croyait mais la pratique de la lecture a augmenté.

(Julie Alice Chappel)
La bibliothèque est peut-être une pharmacie émotionnelle efficace ? Peut-être pas en termes de rapidité d’efficacité mais plutôt en termes d’effets secondaires favorables. La bibliothèque est une pharmacie de long terme.
Ce qui nous enthousiasme peut tout autant nous déprimer.
Vous pouvez monter en haut de l’arbre et constater combien c’est pitoyable.
Il y a des animaux qui vivent dans des profondeurs incroyables et dans le noir et je me demande si interrompre brutalement inscrit et grave nos souvenirs dans notre cerveau plus profondém

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Depuis 2018, la Mél et le Centre des Monuments Nationaux portent ensemble une action intitulée “D’un monument l’autre : un site, un écrivain”. Ici vous trouvez un court texte au fort Saint-André de Villeneuve-lès-Avignon.
Lecture de neuf minutes à écouter en cliquant sur Fort St André.

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