Moins d’oiseau ? Plus de silence

Au printemps, depuis des années, je ne sais pas si tu as remarqué, il y a de moins en moins d’oiseau.
Ce n’est pas plus mal.
Pardon ?
On a plus de silence, de calme et de repos.
Tu vois toujours le bon côté, c’est ta force.
Et comment va ton frère, cela fait longtemps que je ne l’ai plus vu ?
Tu sais, il y a quelques années, trois mois avant son mariage, il a abandonné son amie en prétextant qu’il n’était pas prêt pour un engagement de longue durée, qu’il avait besoin de faire le point, de réfléchir et de vivre seul encore quelque temps, tu sais comment c’est, une espèce d’angoisse de la promesse, la peur d’être enfermé dans une relation exorbitante, le complexe d’Ulysse qui n’a pas tellement envie de rentrer. Bref, il voulait voyager.
Et elle l’a bien pris ?
C’est étonnant comme elle l’a bien pris. C’est presque suspect. J’ai des doutes.
Et alors ?
Il y a quelques jours, en terrasse, on a évoqué cette histoire et elle a parlé de contretemps, tu entends, elle a parlé de contretemps pour qualifier l’absence de cet homme durant quatre ans. Tu te rends compte ? Contretemps ? Quatre ans. Ulysse retrouve ses pantoufles après un contretemps. Comment peut-elle ? C’est étrange.
C’est vraiment compréhensif de sa part.
Il paraît qu’elle a toujours été patiente et compréhensive au point de pouvoir rendre folles certaines personnes.
Tu peux rendre fou quelqu’un à force de compréhension et de patience ?

Chaque fois que je rencontre cet homme qui est un client mystère professionnel, oui, c’est sa profession, je suis ému, tu ne peux pas savoir, ça me fait rêver, le mystère professionnel de cet homme qui joue tous les jours l’inconnu qui arrive, l’homme de la rue qui passe comme s’il était sorti d’un spectacle de Pina Bausch.
Il contrôle quoi ?
Des hôtels. Il est toujours à l’étranger. Je me demande comment il peut tenir le coup, durant des semaines, des mois, à visiter ces hôtels dans le monde entier, en mesurant tout, en notant tout, dans la chambre, au restaurant, au petit-déjeuner… ça doit faire des dégâts de vivre ainsi des semaines entières, à l’étranger, dans de grands hôtels, uniquement en notant et jugeant tout ce qui t’est présenté, en évaluant tout, avec une grille de notation… en ne cessant de faire des observations et des commentaires… d’ailleurs, à force d’être dans de beaux hôtels à contrôler, il ne part jamais en vacances, il ne peut pas…
La déformation professionnelle doit être trop forte.
Oui. Il continue d’apprécier tout ce qu’on lui propose, lui sert, lui offre… c’est intenable… il se sent obsédé par les rapports, les avis à donner, les commentaires. Il est client mystère même dans sa vie intime.
Même avec sa compagne ? C’est comme une prostituée qui conseillerait de ne jamais mélanger la sexualité et le travail.
Je n’avais jamais pensé à ça. Il lui est arrivé de pleurer en écrivant à sa femme qu’il se sentait pris, comme René Char, dans l’ornière des résultats.

Il a aimé la façon dont, présentant son livre Ma durée Pontormo, Pierre Parlant a dit qu’il y avait l’infini dès que l’on commençait d’étudier un objet, aussi petit et ordinaire soit-il.
Même une courgette ?
Oui.
Quel gouffre.
Oui. C’est un gouffre.

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En lien avec l’histoire sauvage, une pièce radiophonique : La réserve noire. Produite et réalisée par France Culture, diffusée le 1er septembre 2018. A écouter sur ce lien :
https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-samedi-noir/la-reserve-noire-de-jean-pierre-ostende

« La réserve noire » de Jean-Pierre Ostende
Une réalisation de Jean-Matthieu Zahnd
Conseillère littéraire : Caroline Ouazana
Assistant à la réalisation : Félix Levacher
Avec :
Mohamed Rouabhi Régis Legrand
Pierre-Jean Pagès François, le père
Agnès Sourdillon Sylvie, la mère
Baptiste Dezerces Sébastien, le fils
Lyn Thibault Tatiana, la fille
François Siener André, le grand-père
Bernadette Le Saché Rosemarie, la grand-mère
Miglen Mirtchev Thomas, le résident
Lara Bruhl, Suzie, la résidente
Bruitages : Benoît Faivre et Patrick Martinache
Equipe technique : Eric Boisset, Mathieu Le Roux

En podcast aussi : Souffrir à ST Tropez. 2017.
L’émission en deux parties
première partie :

deuxième partie :

Réalisation Jean-Matthieu Zahnd

A 70 ans Jeanne Bregman a sauvé un pré-adolescent de la noyade. En guise de récompense, les parents de l’enfant (M. et Mme Merchant-Cazale) offrent à Jeanne Bregman quelques semaines à Saint-Tropez dans leur villa.
A la Pampanita, commence alors un séjour tout à fait particulier où une jeune Américaine qui occupe la villa voisine, proposera à Jeanne Bregman de jouer dans un film très spécial…
Ce sera pour elle l’occasion de découvrir une vie qu’elle n’avait jusque-là jamais imaginée, tout un monde. Cinéma, drogue et zombies.
Avec
Nita Klein ( Jeanne Bregman)
India Hair ( Sidney Mercury)
Antoine Sastre ( Vincent Gallatino)
Yvon Martin ( un Syndicaliste acteur de télé-réalité)
Lara Bruhl ( Jennifer Cook)
Rémi Goutalier ( Patrick Merchant-Cazale)
Léo Reynaud ( un Zombie syndicaliste)
Bastien Bouillon ( Lolito)
et
Sophie Bezard , Elodie Vincent, Loic Hourcastagnou, Emilie Chertier, Hermann Marchand, Louis-Marie Audubert, Lionel Mur, Matyas Simon, Mathilde Caupenne, Aurélien Osinski, Stéphane Szestak , Cécile Arnaud, Laurent Gauthier

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