Laura Yun : Soyez simple

Parfois Laura Yun essaye de me faire comprendre que je suis un peu long et compliqué, voire entortillé.
Pourquoi une phrase si un seul mot convient ? dit-elle.
Et si une phrase suffit pourquoi en écrire deux ? Et encore pire : pourquoi en écrire trois ? Et cela peut s’aggraver encore jusqu’au paragraphe. Pourquoi cette peur de manquer et ce besoin de remplir ? Pourquoi tous les jours ? Pourquoi ces plans ? Pourquoi ces post-it ? Êtes-vous né pendant une guerre ? Pourquoi parfois cette chose ignoble qui vous est venue à l’esprit, confessée par des milliers d’auteurs (certains avec fierté), qui consiste à ne pas finir un paragraphe, une page, voire une phrase pour pouvoir continuer le lendemain ? Pourquoi lire des entretiens remplis de « trucs » pitoyables pour noircir des pages, remplir des cahiers et des fichiers ? Pourquoi cet espionnage de vous-même et des autres ? Pourquoi ce remplissage ? Pourquoi ces redondances ? Pourquoi ce délayage, forcément artificiel au sens de « pas ressenti », ce qu’Andrei Tarkovski nomme « cette exactitude ennuyeuse dans la succession des évènements qui est le plus souvent le fruit d’un calcul arbitraire ou d’une idée trop abstraite. » Il faudrait inverser le procès. Penser avant. Jeter. Eviter le rail et le chemin de fer. Merci madame Laura Yun. Il faudrait refuser les tartines. Gommer. Couper. Dire non aux miradors et aux barbelés que l’on construit soi-même. Eviter les forteresses. Dire oui aux hamacs. Eviter la lourdeur, choisir la grâce.
Ah ! La grâce ! Ce n’est pas humain.

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