Kit névrotique de voyage

Vous m’avez cité une phrase attribuée à Samuel Beckett : On est cons, mais pas au point de voyager pour le plaisir. J’ai bien compris que voyager vous gêne. Vous craignez les déplacements, les voyages. Vous préférez ne pas. Le plus souvent, vous essayez d’éviter. Si vous racontiez tous les voyages que vous avez évités, les prétextes et les excuses que vous avez trouvés… (de la même façon que vous avez essayé de dresser la liste de tout ce que vous avez oublié, ce qui n’est pas si simple, vous pourriez dresser la liste de tous les voyages auxquels vous avez échappé.)
Avant chaque voyage inévitable, quand il faut bien s’y résoudre, au moment de préparer votre valise, vous m’avez prévenu, vous préférez prévoir votre kit névrose ou névrokit de voyage.
Sans lui vous ne pourriez pas envisager de voyager.
Ce ne serait même pas concevable.
Sans votre névrokit, la vie en voyage serait encore plus affreuse que la simple appréhension habituelle, familière et quotidienne.
La simple inquiétude courante, ordinaire et normale, à force, cette appréhension qui devient une compagnie, une compagne, vous la connaissez par cœur et, sans que tout de même elle devienne une amie, vous l’avez presque apprivoisée.
Vous répétez que pour ne pas être malheureux, il faut une dose astronomique d’aveuglement, d’inconscience et de repli sur soi, vous dites : « Sur son moi-moi. »
Je vous remercie de m’avoir détaillé le contenu de votre névrokit de voyage qui, comme vous le dites, est d’une grande utilité :
– Tranquillisants, antalgiques, pilules pour digérer, boules quiès, lunettes en tissu pour dormir, petits sparadraps, nombreuses crèmes, somnifères…
Il y a aussi un livre ou deux. Vous les avez déjà lus et même relus. Vous ne les relirez probablement pas mais vous avez besoin de les savoir avec vous. Ils proviennent de votre bibliothèque-pharmacie.

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1 réponse à Kit névrotique de voyage

  1. Laurent Septier dit :

    Gilles Deleuze, Pourparlers, p. 110, cite Beckett : « nous ne voyageons pas pour le plaisir de voyager, que je sache, nous sommes cons, mais pas à ce point. »

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