Aussi cruels que raffinés

Joseph raconte que, d’après Nathan Moller (qu’il accompagne comme assistant dans les restaurants de Notre-Ville), les êtres humains organisent leur propre martyre avec soin et attention à un point qui perplexe tout le monde.
Nathan Moller a raison. Une fois de plus.
Les êtres humains sont aussi cruels et violents que soignés et raffinés.
Joseph se demande si toute la beauté, la culture, l’intelligence, l’art auraient existé sans la violence, les guerres, les tueries.
Probablement non.
Cela n’existe pas sur Terre un endroit sans meurtre ni torture.
Cela n’existe pas sur cette boule où dix milliards de personnes s’agitent et dansent malgré la destruction et les décombres et souvent s’émerveillent dans les ruines.

Peut-être même que la guerre est à l’origine de la Terre.
Pour le martyre, les êtres humains sont si égoïstes au point de commencer souvent par eux-mêmes.
Parfois ils en font des religions. Ça leur permet de rivaliser en martyrs et souffrances.
Personne n’est plus efficace qu’un être humain pour en faire souffrir un autre. Il est tout autant efficace pour se torturer. Personne comme un être humain n’est capable d’autant de raffinement.
L’être humain a inventé les chaînes, les barreaux, les pointeuses, les horloges, les contrôles en tous genres, les tests, la reconnaissance faciale, les caméras de surveillance… Il est comme ça, inventif.
Jamais un animal ne pourrait se placer dans des conditions de vie et de travail aussi difficiles que l’être humain peut le faire.
Comme l’être humain est joueur il se permet de se définir dans le dictionnaire ainsi : Humain = compréhensif.
Même les fourmis n’auraient jamais été aussi raffinées dans la cruauté. Jamais un animal n’aurait inventé non plus des armes comme l’être humain en a inventées…
Au comble de la cruauté, à la façon d’une espèce de pied-de-nez magique, l’être humain peut offrir des choses délicieuses et surprenantes.

« Les repas étaient composées de choses délicates et inattendues, et les cuisiniers variaient sans cesse l’architecture des victuailles. Il ne fallait point s’étonner, en ouvrant un œuf, d’y trouver un becfigue, ni craindre de trancher une statuette imitée de Praxitèle et sculptée dans du foie gras. » (Marcel Schwob sur Petrone romancier)
Un becfigue est un oiseau, de l’italien beccafico, composé de l’impératif de beccare (becquer) et fico (figue). C’est une sorte de passereau.
Il semble aussi qu’un temps un enfant était dit bien éduqué quand il savait ouvrir un œuf proprement.
Oh !
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En lien avec l’histoire sauvage, une pièce radiophonique à écouter en podcast, diffusée le samedi 1er septembre 2018 de 21h à 22h
« La réserve noire » de Jean-Pierre Ostende
Une réalisation de Jean-Matthieu Zahnd. Conseillère littéraire : Caroline Ouazana. Assistant à la réalisation : Félix Levacher
Avec :
Mohamed Rouabhi (Régis Legrand) Pierre-Jean Pagès (François, le père)
Agnès Sourdillon (Sylvie, la mère) Baptiste Dezerces (Sébastien, le fils)
Lyn Thibault (Tatiana, la fille) François Siener (André, le grand-père)
Bernadette Le Saché (Rosemarie, la grand-mère) Miglen Mirtchev (Thomas, le résident) Lara Bruhl (Suzie, la résidente)
Bruitages : Benoît Faivre et Patrick Martinache
Equipe technique : Eric Boisset, Mathieu Le Roux

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